pour mon coeur. Je me rappelle, avec une égale reconnoiffance tout ce qu’a fait polir moi, dans mes différentes apparitions au’ Cap , M. Hacker , Gouverneur en fécond. Je rends grâce à M. Gordon , Commandant des troupes, des fervices qu’il étoit en fon pouvoir de me rendre, & qu’il ne m’a point épargnés. Ses Obfer- vations curieufes , publiées en Hollande par Allantan , font efti- mées , & j’avoue que je lui fuis particulièrement redevable d’une foule de détails précieux qui m’auroient peut-être échappé , fans les inftruftions & les confeils que j’en reçus avant mon départ pour l’intérieur du pays, où lui-même il avoit entrepris quelques V oyages. Je demandai qu’il me fût permis de paffer encore une quinzaine de jours à Saldanha, afin de réparer, s’il étoit poflible, une partie des pertes que m’avoient fait faire les Anglois. Ne fachant point i i , dans la fuite, j’aurois occafion de repalfer dans ces lieux funeftes , je voulois au moins me procurer les objets que j’étois preique affuré de ne point retr#uver ailleurs. Je n’a vois, pour ainfi dire, qu’à mettre la main defiits : je connoiffois fi bien le terreinJ je l’avois fi fouvent arpenté de tous fens ! car, avant la tragique hiffoire de nos vaiffeaux , j’avois acheté un cheval, & pris, à mon fervice, un Hottentot qui m’avoit indiqué jufqu’aux retraites les plus cachées. Mon hôte lui-même & íes deux fils m’aidèrent beaucoup dans mes recherches ; au moindre ligne, ils prévenoient mes défirs : on eut dit qu’ils étoient à mes ordres. Je n’envifageois jamais ces braves gens fans un étonnement mêlé d’admiration. Le bon Slaber avoit en outre trois filles. Leur figure & leur taille offroient réellement un afpeâ, impofant. Cette famille étoit fu- perbe ; 'ils avoient tous fix pieds de haut. Que je mis à profit ces quinze jours accordés avec tant de peine par l’amitié ! Et les coquilles & les plantes & la chaffe partageoient tous mes inflans. La chaffe fur-tout , ma paflion favorite, m’expo- foit fans ceffe aux dangers les plus grands , & m’avoit fait une réputation d’intrépidité qui s’étoit répandue dix lieues â la ronde. Un foir que j’étois rentré de fort bonne-heure , je trouvai à la maifon un Habitant que je ne connoiffois point, & qui m’attendoit. Il fe nommoit S mit. Il étoit venu pour folhciter nos fecours contre une Panthère q u i, fixée depuis quelque temps dans fon canton, enlevoit, régulièrement toutes les nuits , quelque pièce de fon bétail. Sa propofition me fit grand plaifir ; je 1 acceptai avec transport. Enchanté de faire en règle la chaffe de cet animai, je comp- tois me venger fur lui de l’épouvante que m’avoit caufée fon pareil dans la baie de Saldanha. Jour pris pour le lendemain , nous déterminâmes quelques jeunes- gens des environs à fe joindre à nous. Je remarquais qu’ils ne s’y prêtoient point de trop bonne grâce. J’en fis honte aux plus récal- citrans ; ce fut un coup d’aiguillon pour les autres. Nous réunîmes tous les.chiens que nous pûmes trouver, & chacun s’arma de pied en cape. Toutes nos batteries ainfi dreffées , comme s’il fe fût agi d’une prife d’affaut, on fe fépara. Je me mis fur mon lit pour y dormir quelques heures, & me difpofer à la fatigue du lendemain. Je ne pus fermer l’oeil d’impatience & d’aife. Dès la pointe du jour, je gagnai la plaine avec mon efeorte. Smit & quelques amis nous attendoient ; nous nous trouvâmes environ dix-huit chaffeurs. Nos chiens réunis formoient une meute de pareil nombre. Nous apprîmes que la Panthère avoit encore enlevé un mouton pendant la nuit. Un des canons de mon fufil étoit chargé de tres-gros plomb, l’autre de chévrotine. J’avois, en outre, une carabine chargée a balles. Mon Hottentot la portait, & me fuivoit. Le pays affez bien découvert n’offroit que quelques buiffons ifolés de cotés & d’autres. 11 falloit vifiter tous ceux qui fe trouvoient fur notre paffage, avec bien des précautions. Après plus d’une heure de recherches, nous tombâmes fur le mouton dont la Panthère n’avoit dévoré que la moitié. Une fois sûrs de la pille, l’animal n’étoit pas loin , & ne pouvoit nous échapper. En effet , quelques inftans après, nos chiens qui jufques- là n’avoient fait que battre confufément la Campagne , tout à coup fe réunirent , & , preffés enfemble , s’élancèrent à deux cents pas de nous, vers un énorme buiffon où ils fe mirent a aboyer, à hurler de toutes leurs forces.
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