eut fait fauter fon Navire, & dont la belle aûion venoit de tac ruiner â jamais. En partant pour la Baie , ils avoient tous reçu l’ordre de fe faire fauter, s’ils étoient attaqués de façon à ne pouvoir fe défendre ; on leur avoit donné un Hoeker, petit bâtiment qui ne prenant pas beaucoup d’eau, devoit pénétrer au plus loin pollible dans la Baie , & fervir de dépôt général des cordages , voiles, agrès , &c. des vaiffeaux. Cette partie de l’ordre avoit été exécutée; & , f i le Capitaine de cette Flûte y avoit mis le feu comme on le lui avoit très-expreffément recommandé , il jetoit les Anglois dans l’embarras , & les réduifoit à la néceffité peut-être d’abandonner nos Vaiffeaux que, faute d’agrès néceffaires, ils n’auroient pu emmener avec eux. Bien plus avancé dans le fond de la Baie que nos autres Navires, tandis que les Anglois les canonnoient & s’en emparoient, il avoit eu plus que le temps néceffaire pour fe faire fauter ; non feulement il n avoit fait aucune difpofttion pour cela ; mais, quittant fon Bord pour fe fauver à la vue du Cutter qui venoit le faifir , il ne penfa pas même à mettre le feu à fon bâlitiment ; & , par une contradiction inconcevable & qui tient de l’extravagance, il alla brûler & réduire en cendres une belle habitation qu’il trouva à l’extrémité de la Baie , dans un endroit où la mer étoit fi baffe que lés chaloupes même n’y pouvoient aborder : auffi fut-il pourfuivi en juftice par le propriétaire, le fieur Neufkt, qui comptoit bien le faire condamner tout au moins à lui payer le montant du dommage. Vangenep étoit le feul Capitaine q u i, à notre arrivée dans la Baie, fe fut férieufement occupé, avant tout , des préparatifs in- difpenfables pour l’exécution rigoureufe des ordres qu’on avoit donnés à tous en général. Nous avions lardé toutes les parties de notre bâtiment avec des étonpes huilées , des fagotages , des goudrons, & toutes fortes de matières combvtftibles ; les confrères étoient d’autant moins pardonnables que trois mois de défoeuvre- ment , dans cette Baie , leur avoient laiffé tout le temps de fe précautioner. Nous étions arrivés le i l Mai, & nous entrions alors dans le mois d’Août, Les Matelots & les Officiers de nos équipages , accourus tumul- tueufement à la Ville , n’avoient que trop répandu le malheur que nous venions d’efluyer. M. le Fifcal, ne me voyant point ^ e retour avec les autres , & n entendant point parler de moi , fit aire des perquifitions; on lui découvrit la retraite que je metois choifie. Peu de jours après , je. le vis arriver. Combien je me repentis alors d’avoir perdu fi tôt la tendre confiance qu’il m’avoit infpiree ! Je lui rendis compte de la fituation cruelle où m’avoit plongé le malheur commun, de l’affreufe détreffe où me jetoit la perte de tout ce que je poffédois au monde. Je lui fis part de la réfolution que j’avois prife de relier chez l’honnêté Slaber , jufquà ce que j’euffe reçu des nouvelles de ma famille, & de travailler, en attendant , à rebâtir l’édifice de mes Colleaions & de mes recherche« en hiftoire naturelle. M. Boers m’avoit écouté tranquillement & fans m’interrompre : Que ne puis-je ici graver , en lettres dor , & lés tendres reproches, & fes preffantes follicitations de le fuivre au moment même ! Sans ton, fans morgue, fans ce verbiage impertinent de nos proteileurs d’Europe , mais avec cette bonhomie ouverte & franche qui mefure l’homme par 1 homme, & juge toujours le protégé digne du bienfait « Moniteur ( me dit-il, lorfque » j’eus fini de m’excufer ) ,. vous n’oublierez pas que vous m’êtes » recommandé. L’inftant qui vous voit malheureux eil auffi le « moment où je dois, à mon tour , mériter la confiance des amis » qui ont compté fur moi; je ne la trahirai point. Ma maifon, ma » table, les fecours les plus preffés , je vous offre tout ; reprenez » courage ; dreffez de nouvelles bateries ; revenez a vos plans , » St n’attendez pas, pour commencer vos Voyages, les nouvelles » incertaines d’Europe. C’eft à moi de pourvoir à ces détails. Ac- » ceptez ; il le faut; je le veux ». Cette ame fenfible parloit à la mienne une langue fi chère! Un refus l’auroit trop bleffée ! Je me rendis. C’eft donc à cet ami généreux que je dus l’avantage inappréciable de me livrer , f^ns de plus longs délais,.aux préparatifs de ce Voyage tant défiré,amfi qu’au* dépenfes ruineufes qu'alloit entraîner fon exécution ; j en renouvellerai plus d’une fois Je fouvenir : il devient un befoi« D i j
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