•eu la précaution de placer toute ma caravane entre deux chariots qui fervoient d’avant & d’arrière-garde ; deux jours ou plutôt deux ■nuits de marche forcée, mais dans le meilleur ordre-, nous con- duilirent au bord de la rivière après laquelle nous foupirions depuis fi long-temps. Nous n’avions pas négligé pendant les nuits de tirer de côté & d’autre des coups de fufil de fix minutes en fix minutes; j’avois donné de temps en temps de l’eau de mes .jarres à mes Chevaux qui fuccomboient à la chaleur & à la fatigue ; mes beftiaux n’avoient ni bu ni mangé , ils étoient tous haletans , & fembloient devoir à tout moment refter fur la place ; cependant, quoiqu’il fit nuit plus d’une dem.-heure avant d’arriver au Buffle- Rivier, les relais & tous les beftiaux qui marchaient en liberté , ayant éventé la rivière, fe mirent tous à courir en défordre & à travers champs pour s’y défaltérer; ceux qui traînoient les voitures , reprirent courage & firent le trajet en moins d’un quart d ’heure ; fans l’attention de mes gens qui coupèrent à propos les raits des plus mutins, mes trois voitures auroient été culbutées dans la rivière; nous fuivîmes tous l’exemple de nos animaux , & le bain me fit oublier mes fatigues. Lorfque les feux furent allumés , une partie des animaux nous •rejoignit ; j’avois de l’inquiétude pour les autres ; cependant nous les entendions s’agiter & marcher dans les broulîailles qui nous, entouroient; fans doute qu’ils y cherchaient de quoi manger. Us arrivèrent tous à la pointe du jour g excepté une paire de .Boeufs que nous n’avons j’amais revus ; notre Bouc s’étoit égale* ment égaré & ne revint que dans le courant de la journée. J’avois été extrêmement furpris -à mon réveil de me trouver dans un Pays charmant que l ’obfcurité m’avoit ¡/empêché d’apercevoir; la rivière n’étoit pas large; mais l ’abondance & la profondeur de fes eaux répandoient dans ces lieux une fraîcheur d’autant plus délicieufe que la chaleur étoit exceffive ; cette rivière cou- loit fur un lit de gazon coupé par cent tours & détours; il y avoit long-temps que je n’avois rencontré un aufii agréable bocage. Une infinité de Perdrix & de Gelinottes formoient, par-leur cri, un eontrafte piquant avec des efjpèces de Canards , des Hérons, -des Cigognes brunes, & des Flamans, dont la rivière étoit couverte. M n’y eut qu’une voix pour me fupplier de m’arrêter quelques jours; j’y confentis fans peine, & je fus enchanté quon meut prévenu. C’étoit encore un de ces fîtes agréables qui prouve que l’imagination des Poètes n’eft pas toujours au defliis de la Nature & de la Vérité dans leurs defcriptions. L emplacement ou nous venions de palTcr la nuit n’étoit cependant pas le plus favorable : quelques groftes roches dont nous étions voifins le couvroient trop, ainfi que nous, & pouvoient faciliter à l’ennemi les moyens de nous furprendre ; en conféquence, nous conduisîmes nos chariots & nos bagages dans le milieu d’une petite prairie, a laquelle le cours finueux de la rivière donnoit la forme dune prefquîle, ôc c’eft là qu’on fixa les tentes. Nous venions de faire une marche de quatre-vingts lieues, depuis l’habitation des deux frères Nègres dont j’ai parlé. On peut difficilement fe faire une idée de ce que nous avions eu a fouffrir dans cette traverfée. De quels fecours ne nous avoient pas été les Moutons que j’avois échangés avec les Hottentots de Sneirv- berg ! Depuis ce moment, nous n’avions pas rencontré une feule pièce de gibier , pas une lagune d’eau affez pure pour en faire ufage fans précaution-. tout ce que nous en avions trouvé n’étoit potable qu’après qu’ôn l’avoit fait bouillir, foit avec du the , foit avec du café, pour en détruire ou déguifer au moins les qualités mal-faifantes & naufabondes. L’agrément du lieu & l’abondance de toutes choies, que nous procuroit le Buffle-Rivier , n’étoient pas les feuls motifs qui m’ar- rêtoient fur fes bords; j’y demeurai jufqu’au 14 du mois; tout ce temps fut employé à la réparation de mes équipagesdont le délabrement m’mquiétoit depuis long-temps ; les chariots avoient été tellement fecoués, le foleil les avoit tellement defféchés, qu’ils ne tenoient prefque plus à ‘ rien ; le's roues fur-tout avoient befoin de reftauration ; tous les rayons quittoient leurs moyeux;, pour donner plus de reffort au bois; je les fis mettre à l’eau; elles y rcftèrent long-tenps avant que la hache y touchât ; de mon côté, je fis la revue de ma coileiHon , qui n’étoit pas ncn plus C c c ij
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