fatre^ a mes Boeufs, la même opération ; mais ces animaux indociles ne s’y feroient pas prêtés tranquillement , d’ailleurs les peaux & la graiffe n’auroient pu fuffire ; les roues de mes chariots . que je navois point baignées depuis long-temps, jouoient en marchant cômme autant de creflelles. Différentes fontaines & plufieurs lits de torrent ou de rivière que nous avions traverfés & fur lefquels nous comptions encore, nous avoient tous trompés ; nos animaux étoient réduits à appuyer le nez contre terre, & à lécher les endroits qui leurs fem- bloient encore humides; privés d’ailleurs de toute herbe fuccu- lante , il ne leur reftoit d’autre reffource que de fe rabattre fur quelques^plantes graffes qui leur donnoient des tranchées affreufes; ils battoient des flancs , & n’étoient plus que des fquelettes. Cette fituation défefpérante dura jufqu’au foir du 24 ; nous' venions de traverfer le Swan-Rivier ( la rivière noire), qui n’avoit pas plus d’eau que les autres; nous allions dételer lorfque j’aperçus un troupeau de Moutons ; je courus vers le gardien, qui m’apprit qu’il appartenoit à un Colon , dont l’habitation n’étoit qu’à une petite lieue de là; nous en prîmes auffitôt la route, & nous allâmes camper près d’un très grand marai$ où nous eûmes enfin la fatisfaûion de trouver de l’eau en abondance. L’habitation apartenoit à Adam-Robenhymer & fe nommoit Kweec-Valey ; je reçus mille politeffes de la part du maître de la maifon & de toute fa famille; elle n’’étoit pas confidérable .& fe réduifoit à deux filles. L’une, Dina-Sagrias-de-Beer, d’un premier lit du côté de la mère, étoit une* des plus belles Africaines que j’euffe encore vues; ces hôtes char- mans me prefsèrent de paffer quelques jours avec eux ; la fédui- fante Dîna mit des grâces fi. naïves & fi douces dans fon invitation particulière, que je me laiffai facilement aller à fes inftances réitérées, & confentis à paffer trois jours entiers chez elle. Ce pendant, le foir, je ne manquai pas de me retirer dans mon camp, comme je lavois toujours fait; les lieux où je me trou vois & le befoin d’y maintenir l’ordre me faifant plus que jamais une loi févère de ne point découcher; j’étois d’ailleurs tellement habitué a mon dur matelas, qu un lit moelleux & plus commode m’eût réellement réellement empêché de repofer. Cette halte agréable étoit fur- jtout utile à . mes pauvres beltiaux vieillis de misère & de fatigue ; je craignois à tout moment d’être obligé d’abandonner mes effets & mes chariots; ce dernier féjour fervit pourtant à les ranimer un peu. Le fite étoit à mille égards charmant & varié : le yoifinage de l’habitation offroit à mes Boeufs, auffi bien qu’à mes gens, d’abondans fecours bien propres à rétablir leurs fo.rces, pour peu que j’euffe voulu relier plus long-temps dans cet afile ; mais je fentois de plus en plus le befoin de me rapprocher du Cap , & mon imagination épuifée me rendoit à chaque inftant mon retour plus indifpenfable ; il fallut donc encore une fois m’arracher à tant de féduâions & partir; la belle Dina ayant appris de mes gens (car elle i’informit de tout) que les bifcuits que j’avois fait faire . chez les Nègres touchoient à leur fin, me pria d’en accepter une petite provifionj qu’elle m’avoit fait elle-même. Le I " Mars, après avoir fait mes remereîmens à tous mes aimables hôtes, je les quittai ; il étoit cinq heures du foir ; nous faifions route vers le Gamka. ou Lmw-Rivur (Rivière des Lions), nous y arrivâmes à neuf heures du foir ; & l’on y campa. Les Lions autrefois étoient très-communs fur cette rivière, parce que les Gazelles y étoient auffi très-abondantes ; mais , depuis que les habitans s’en font rapprochés , les Gazelles ont pris la fuite, & les Lions , par confé- quent, font devenus beaucoup plus rares ; j ’avois ouï - dire à Kweec-Valey, qu’il rôdoit, dans les environs du lieu où je me trouvais , trois troupes formidables de Boffifmans. La prudence m’empêcha de pénétrer plus avant dans cette première nuit; on m’avoit informé, de plus , que paffé le Gamka jufqu’à la rivière des Buffles, je ne verrois pas une goutte d’eau; il y avoit vingt-cinq grandes lieues d’une rivière à l’autre ; pour ne pas périr de fbif, il falloit faire ce trajet en deux jours ; il n’étoit pas queftion de marcher par la chaleur ; tout auroit été perdu ; je réfolus donc de relier deux jours pleins fur la rivière des Lions pour repofer & fortifier d’autant mes attelages; & , fur le foir du fécond jour, m’affranchîffant de toute efpèce de crainte, & ne tenant nul compte à mes gens de leur terreurs paniques, je continuai ma route. J’avois Tome H* C c c
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