depuis long-tems , malgré le befoin indifpenfable qu’en a toujours une Habitation , foit pour défendre fes troupeaux , foit pour repouffer les Boffifmans. Ils m’auroient tout accordé, à leur tour, en reconnoiffance d’un auffi grand bienfait. Le 19 , à quatre heures du foir, je repris ma route ; le foleil le plus ardent nous dévora pendant deux jours; nous errâmes fans trouver une goutte d’eau ; on eut recours aux jarres que j’avois fait emplir chez les frères Nègres, & nous fûmes réduits à la ration, comme cela nous étoit plus d’une fois arrivé. Le 21 , après avoir traverfé le lit du Kriga , qui étoit à fec & que nous avions déjà paifé la veille, je rencontrai deux habitans du - Camdebo qui revenoient du Cap & faifoient route pour leur demeure. Depuis plus d’un an je n’avois eu de nouvelles de cette ville & de mes connoiffances ; je fus enchanté d’apprendre qu’avec les fecours de la France, le Cap avoit été fauvé de toute invafion de la part des Anglois,& que la Colonie étoit demeurée fous la domination Hollandoife ; le plaifir de cette nouvelle fut bientôt effacé par celle de l’indifpolition de mon bienfaiteur , que les voyageurs m’atteftèrent avoir laiffé dans un état critique & même fixé , lors de leur départ, aux bains chauds , dernière ref- fource des malades en Afrique. Ce rapport acheva de répandre l’amertume & le dégoût fur le refte de mon voyage. J’allois hâter ma marche, j’aurois voulu voler pour rejoindre un ami qui m’étoit cher à tant de titres ; mais la crainte de le trouver languiffant , empoifonnoit le plaifir que je me faifois de le revoir ; ces deux Colons me prévinrent que j’allois infiniment fouffrir en route par la féchereffe & le manque d’eau ; qu’attendu la grande quantité de beftiaux que je traînois à ma fuite , je n’avois de reffour- ces à efpérer que dans les orages qui pourroient furvenir ; que les Boffifmans d’ailleurs infeftoient le pays ; qn’ils leur avoient enlevé à eux mêmes trente-deux boeufs, & maffacré leurs gardiens au palfege de la rivière noire ; cette dernière nouvelle ne m’empêcha pas de continuer ma route; depuis l’exemple de févérité que j’avois été forcé de donner, mes gens ne bronchoient plus, & je crois qu’ils auroient été capables d’affronter, avec moi , tous les bandits du Camdebo ; je ne voulais pas cependant m'expofer témérairement : il n’étoit guères poffible de penfer à marcher de nuit : c’étoit m’ôter tous mes avantages ; la plus grande partie de mes boeufs étoient hors de fervice par la maladie du fabot, de façon que, ne pouvant relayer les mieux portans, je les faifois partir avant nous , avec une forte garde, afin que «pus ne fuffions point retardés dans la marche. Arrivé de la forte au Kriga-Fontyn (Fontaine du Kriga), nos Boeufs y eurent à peu près autant d’eau qu’il leur en falloit , mais elle étoit fi laumaehe que les Hottentots qui en burent, gagnèrent des coliques & des diarrhées violentes; comme je fondois le terrein, & examinois fi cette eau ne pouvoit pas nous caufer de plus grand maux encore, je fns extrêmement furpris de voir Keès, qui fe trouvoit toujours le premier par-tout, retirer de la vafe un crabe d'environ trois à quatre pouces de diamètre. Il y avoit effectivement de quoi s’étonner; car cette fontaine etoit en plein rocher , fans écoulement apparent. Mon fmge me parut manger fon crabe avec tant de plaifir, que j’en fis prendre une- trentaine que, je trouvai fort bons après les avoir fait cuire. Quatre ou cinq coup de ftifil me procurèrent plus de quarante Gelinottes d’une très-belle efpèce , habituées à venir s’abattre par milliers fur les bords de cette fontaine ; les Hottentots des Colonies les nomment Perdrix Namaquoifes , parce que , dans la faifon des pluies, toutes partent pour fe rendre vers le.Tropique. A dater du moment où nous décampâmes de cette fontaine, nous ne trouvâmes plus que des plantes graffes & des Sauterelles; nous étions dans un lieu de défolation ; quatre de mes Boeufs n’ayant plus la force de fuivre, relièrent fur la place ; j’eus le défa- grément de voir que tous mes Chiens boitoient & fe traînoient avec effort, la plante de leurs pieds étant ufée & déchirée jufqu’ati v if ; je les fis graiffer , afin qu’ils les léchaffent ; on les plaça tous fur les voitures ; mes Chevaux avoient gagné la même maladie que mes Boeufs; je fis faire, avec des peaux, des efpèces de petits facs ou bottines, & après avoir bien graillé les pieds de ces Chevaux, je les leur attachai au-deffùs du taries J’aurois bien voulu
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