mes gens de fe tenir fur leurs gardes ; ils craignoient trop les Bolîifmans pour manquer à leur devoir & fe relâcher de leurs précautions ; nous étions juftement dans le canton où nous avions appris que cés brigands jetoient l’épouvante. Nos provifions tiroient a.leur fin , & nous navions plus de grand gibier; je longeai à m’en procurer quelques pièces , pour les faler, & j« fis plufieurs chaffes qui nous éloignèrent plus ou moins du Camp: un jour que je m’étois acharné à la pourfuite d’un Elan Gazelle , je m’écartai eonlidérablement, avec un de mes meilleurs Tireurs, qui me fuivoit à pied. Au débouquement d’un fourré fort'épais de Mimofa , nous tombâmes tout à coup fur un Hottentot qui cherchoit des Nimphés de Fourmis-, mets chéri de ces Sauvages. 11 ne nous eut pas plus tôt entrevus que, rama (Tant avec précipitation fon arc &. fon carquois, il prit fa courfe pour fuir; mais, rendant la main à mon cheval, je l’eus bientôt: rejoint ; aux lignes peu équivoques de : fes frayeurs & de fon embarras , je jugeai •que e’étoit un Bollifman ; fa vie étoit entre mes mains; je pouvois ufer , dans ces déferts , de mon droit de fouveraineté, & punir en lu i , fi j’euffe été cruel, tous les crimes de fes égaux & le; tort :inexcufable d’appartenir à.des brigands; jufques-là’ je n’avois point particulièrement à me plaindre d’e u x , & je comptois , au ; contraire, profiter de la rencontre ., pour recevoir de nouveaux renfeignemens ; ce n’elt pas ainfi qu’en eût agi un Colon. Il vit bien, ,à mon air, que mon intention n’étoit pas de lui faire aucun mais;;après, quelques queftions relatives à la fituation où nous nous, trouvions refpeilivement & auxquelles il ne répondoit qu’en tremblant, il fe raffina & prit confiance en moi. Je me.plqjgnois de la difette de gibier dans les lieux que je venois de parcourir;, il m’indiqua d’es Cantons où je reneontrerois finement celui que je çherChois; .j’ordonnai, au. Hottentot qui m’avoit rejoint, de lui fairç1;pçéfent d’une portion de fon tabac après lui.av.oir fou- l^aité plus ; de modération de probité i, pour, lui & fes compagnons,; je tournai, bride pour continuer ma chaffe ; j’avois fait à peine i cinquante pas ; mon Chaffeur étoit relié quelques minutes tic plus avec lui pont l ’aider à allumer fa pipé & pour, achever fa converfation j ' ) converfation ; je l’entends qui m’appelle à grands cris ; effrayé de fes accens.je retourne précipitamment fur lui ; j’accours , j’arrive ; je le vois aux prifes avec le traître Bollifman, qui, la main armée d’une flèche , faifoit tous fës efforts pour le bleffer à ta tête ; le vifage de mon pauvre Hottentot étoit déjà couvert de fang; je faute de cheval ; tranfporté de colère; & , me faililfant de mon fufil, d’un coup de crolfe dans la poitrine , j’étourdis & renverfe le traître ; mon Hottentot, dans l’excès de fa rage, ramalfe fon arme , achève fon terrible adverfaire , & l’écrafe à mes pieds. Effrayé de fa bleffure, il s’attendoit à périr par l’effet du poifon ; le coquin lui avoit décoché une flèche dans le moment où ils fe quittoient ; il avoit reçu la bleffure précifément au nez , elle me paroiffoit plus dangereufe, mais n’étoit heureufement que fuper- ficielle ; il n’avoit été atteint que du tranchant du fe r , qui n’elt jamais empoifonné; je lavai moi-même fa plaie avec de l’urine; je le confolai, bien convaincu qu’il n’étoit pas mortellement bleffé ; je portois toujours fur moi un flacon d’alkali - volatil que m’avoit donné M. Percheron , Réfident de France, lors de mon départ du Cap ; pour chalfer jufqu’aux apparences du venin , je déchirai des morceaux de ma chemife, dont je fis des compréfles imbibées de cet alkali ; mais , loin que ces précautions de ma craintive amitié ferviffent à raffiner l’efprit de ce malheureux, il s’obftinoit à attribuer aux effets du poifon les douleurs très-aiguës que lui caufoit mon caullique ; pour moi, ce que j’admirois le plus , & que je regardois comme l’influence de mon heureufe étoile, c’eil qu’il n’eut pas été tué fur la place; car, à coup fur, fon affaflin, armé du fulil qu’il lui eût dérobé, n’auroit pas manqué de me joindre au plus prochain détour, & de me faire fubir le même fort. Je m’emparai de l’arc & du carquois du fcélérat ; & , laiffant là fon cadavre horriblement défiguré , je m’empreffai de rejoindre mon Camp. Cette aventure y répandit l’alarme ; mon Chaffeur, perfuadé qu’il ne vivroit pas jufqu’au jour , acheva, par fes trilles plaintes, de jeter la confternation parmi mes gens ; c’ell à tort que j’aurois elfayé de les tranquillifer ; ils étoient tous prefque perfuadés que le malade ne palferoit pas la nuit ; cependant Tome II. B b b
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