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574 V O Y A G E rochers , non moins ftériles, offroient par -tout à nos regards attriftés, l’image de l’abandon & de la mort ; on ne voyoit que quelques herbes ¿parles qui fembloient croître à regret -pour le falut de nos Troupeaux. Le 4 , cinq grandes heures de marche nous firent arriver à la rivière Voogel, qui va le jeter dans celle du Sondag, ce fleuve que nous avions traverfé il n’y avoit pas long temps vers fon embouchure, & que nous devions bientôt voir près de fa fource. Nos fouffrances augmentoient de jour en jour avec les chaleurs, & la marche nous étoit devenue bien pénible ; cependant j’amu- fois toujours mes loifirs par la chafle ; je tuai encore, chemin faifant, une Cane-Petière d’une efpèce nouvelle. Le jour fuivant, nous fumes rendus de bonne heure à la rivière du Sondag. Ce féjour moins affreux fervit du moins à ranimer mon efpérance; de fuperbes avenues de Mimofa, que le fleuve arrofoit, offroient de toutes parts un coup-d’oeil magnifique ; ils étoient en pleine fleur, & répandoient autour de nous leurs fuaves & délicieux parfums ; mille efpèces d’oifeaux & d’infeâes fuperbes , attirés dans ces beaux lieux, m’y retinrent jufqu’au 8 ; malgré la forte provi- fion d’épingles que j’avois emportée du Cap , je m’aperçus que j’allois en manquer; il me vint dans l’efprit de les remplacer par les plus petites épines du Mimofa qui me rendirent le même office. En laiffant le Sondag derrière moi, je rencontrai feize Hottentots, avec armes & bagages , fur les bords du Swart-Rivkr (rivière noire); ils quittoient le Camdebo , pour gagner, au pied des Sneuwberg, la Horde que nous y avions laiffée ; ils m’apprirent qu’ils étoient forcés à cette émigration par des Troupes formidables de Boffif- mans , qui mettoient tout à feu & à fang darts fe Camdebo dont ils incendioient les Habitations, pour en enlever les munitions, les armes & toutes les richeffes. Rien ne pouvoit me contrarier davantage que cette nouvelle indifcrète autant qu’inattendue ; elle jeta d’abord l’alarme dans tous les efprits , & fit renaître les anciennes terreurs ; perfuadé que de plus longs éclairciffemens ne ferviroient qu’à troubler davantage ces foibles imaginations ,. j’ordonnai à tout mon monde de me fuivre a 1 infiant même ; déjà l’on parloit de rebrouffer chemin , & je vis l’heure où mon autorité alloit être tout-à-fait méconnue; les plus braves de mes gens, qui ne balançoient point à me fuivre, entraînèrent heureufement tous les autres; je m’étois aperçu que le nommé Slinger, dont j’avois eu à me plaindre au Camp de Koks-Kraal, montroit encore ici plus de réfiftance ; que, dans cette journée même,il avoit fait fon fervice d’une manière équivoque ; je me déterminai , pour la première fois , à faire un exemple qui intimidât les. lâches camarades qu’il"Ivoit féduits. Arrivé, le foir, à cette rivière Camdebo, qui tire fon nom du pays qu’elle traverfe , je lui lignifiai de quitter à l’inftant ma Caravane ; je lui reprochai, ce que j’avois depuis appris, d’avoir été le premier moteur des craintes & des troubles qui avoient empêché tout mon monde de me fuivre en Caffrefie, & de m’avoir forcé , par cette coupable réfiftance , d’abandonner la plus belle partie de mes projets, faute de bras, de courage & de fecours pour les conduire à leur fin. Je lui payai fes gages échus; je lui fis délivrer fes effets & quelques provifions ; après quoi je le menaçai de le pourfuivre comme une bête féroce , fi jamais il fe préfentoit à ma rencontre. Il fut tellement confterné , anéanti de l’apoftrophe, & de la véhémence avec laquelle je la prononçai , qu’il fe faifit de fon fac, & partit précipitamment. Mes gens conjeâurèrent qu’il alloit gagner les Habitations les plus prochaines , ou bien rejoindre les Hottentots que nous avions rencontrés dans la matinée ; j’avois penfé qu’il auroit cherché à me faire des excufes , ou que fes caramadés m’auroient imploré pour lui; je fus trop aife qu’il eût pris un autre parti. Cette févérité opéra ,. pour le refte de mon Voyage , tout l’effet que j’en avois attendu. Le 9 Février, je quittai la rivière Camdebo. Plufieurs de mes Boeufs fe virent attaqués du Klauw - Sikte ; ce qui leur rendoit la route très-pénible. La tranquillité & les rafraîchiffemens étoient le feul remède qui pût les rétablir promptement. Je choifis donc, fur un des détours que faifoit la rivière au milieu des Mimofa une clairière commode où je plaçai mon Camp, dans l’intention d’y paffer quelques jours. Je n’eus pas befoin de recommander à


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