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a detacher de mon livre ces traits curieux de mon Voyage ; & , puifque ma Hottentote a bien voulu faire le facrifice de fa pudeur au progrès de mes études, une plus longue retenue de ma part, à la fin palferoit pour une diicrétion puérile : le fcrnpule fied mal où la Nature n’a point placé la honte. Le tablier naturel n’eft en effet, comme le dit mon Auteur, qu une prolongation , non pas des nymphes , mais des grandes levres des parties de la femme ; elles peuvent arriver jufqu’à 9 pouces plus ou moins , fuivant l’âge de la perfonne ou les foins affidus qu’elle donne à cette décoration fingulière ; j’ai vu une jeune fille de quinze ans qui avoit déjà fes lèvres de 4 pouces de longueur. Jufques-là ce font les frottemens & les tiraillemens qui commencent a diftendre ; des poids fufpendus achèvent le refte. J ai dit que c eft un goût particulier, un caprice affez rare de la mode , un rafînement de coquetterie : dans la Horde où je me trouvois , il n’y avoit que quatre femmes & la jeune fille dont je viens de parler qui fuffent dans cet état ridicule. Quiconque a lu Dionis, reconnoîtra fans peine combien cette opération peut être facile; pour moi je n’y vois rien de'bien merveilleux, 11 ce n’eft la bizarrerie de l’invention. Peut-être qu’autrefois on rencontroit jufques dans les lieux qu’ocupent aujourd’hui les Colonies, des Hordes, entières de Sauvages diffinguées par cette y particularité ; & c’eft probablement ce qui aura donné naiffance aux erreurs qu’on a débitées fur ce chapitre ; mais la difperfion éteint bientôt les anciens ufages parmi les hommes. Celui-ci n’eft pratiqué que', de loin en loin, par quelques individus attachés par tradition aux moeurs antiques & qui fe font un mérite fcrupuleux de les fuivre encore. Lorfque j’eus finis toutes mes obfervations , & parcouru, autant que les précautions que j’avois à prendre me le permettaient-; différentes chaînes & les plus beaux lires des Sneuwberg , je fongeai enfin a quitter tout-à-fait ces noirs Pays. Mes gens me folliçi- toient vivement de les conduire au Carouw , & de me hâter de le traverfer avant que les chaleurs euffent entièrement ' defféché le p.eu d’eau ftagnante qu’il étoit poffible que nous y trouvalfions,. & de peur aulfi de ne plus rencontrer de pâturages pour nos Beftiaux, qui déjà depuis long-temps avoient eu beaucoup à fouffrir des ardeurs de fô faifon ; ainfi donc, autant empreffé que jaloux de rejoindre mes foyers, & ne trouvant plus dans mes courfes les mêmes charmes , les mêmes amufemens que par le paffé, foit que la fatigue eût ralenti mon ardeur, foit que d’autres projets & de puiffans reffouvenirs euffent repris fur mon imagination l’empire que leur avoit fait perdre le fpeûacle des plus grandes nouveautés, je me remis en route le 2 Février, en me dirigeant vers le Sud- Sud-Oueft. Une partie de la Horde nous accompagna pour nous aider à traverfer à 3 lieues plus loin la rivière Jubers, qu’on jugeoit devoir être enflée par les orages ; en y arrivant, déjà nous fongions à faire des radeaux ; mais nos conduâeurs, qui connoiffoient à un quart de lieue au-deffous , des bas-fonds commodes, nous épargnèrent un travail inutile , & qui nous eût fait perdre beaucoup de temps; j’allai reconnoître avec eux les bas-fonds, & je jugeai, après les avoir fondés avec mon cheval , qu’en exhauffant feulement , mais avec précaution , de huit à dix pouces, les caiffes & le left de mes trois voitures par le moyen de branchages & de bûches, nous pafferions fans avoir rien d’avarié; ce que nous exécutâmes en effet avec autant d’adreffe que de bonheur : nos compagnons nous fervirent, à la vérité,'beaucoup dans cette opération ; ils traversèrent la rivière, & vinrent paffer la nuit avec nous , pour nous ^aider, le lendemain matin, à rétablir nos équipages & remettre en place nos effets. Je reconnus d’une façon généreufe les fervices qu’ils venoient de me rendre, & nous nous féparâmes. Je trouvai dans le Canton que j’entamois une prodigieufe quantité de ces Coucous verds-dorés dont j’ai parlé ci-devant & plufieurs efpèces nouvelles que je joignis à ma colleétion. Dans la mêmé journée , je rencontrai un fécond fleuve fans nom connu ; je lui donnai celui de mon refpeélable ami, M. Boers : ici com- mençoient les plaines arides du Carouv ; des plantes graffes & fruftres couvroient cette terre ingrate, ou pour mieux dire ces fables , dans toute l’étendue de l’horizon ; d’un autre côté des


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