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fîmes aucun ufage Je celle de la rivière, parce qu*elle étoit fale & troublee ; nous préférâmes de recourir aux lagunes qui avoient eu le temps de dépofer leur fable & leur limon. Le jour d enfuite fut plus tranquille; une vingtaine d’hommes & quelques femmes m’amenèrent quatre Moutons & une vieille Vache qui n’étoit plus bonne que pour la boucherie ; ils ne convoitèrent pas infiniment mes verroteries j les femmes en étoient à la vérité furchargées ; ils fe jetèrent de préférence fur le tabac ; comme c’étoit celle de mes provifions la plus facile à réparer en rentrant dans la Colonie, je ne la leur épargnai pas ; cette. prodigalité les féduifit ; ils m'amenèrent encore onze Moutons que je payai largement. Inftruit que j’allois traverfer un Pays difficile & bien fe c , je confervai ces différentes acquisitions comme une reflburce pré- cieufe au befoin. Un jour que j’avois beaucoup de ces Etrangers ,, un des Gap* diens de mon troupeau vint m’avertir que plufieurs Bbffifmans defcendits des montagnes s’étoient approchés d’eux ,, mais qu’ils les avoient tenus en refpeâ avec quelques coup de fuiif; Klaas & moi nous montons à Cheval ; & fuivis de quatre autres Chaffeurs j b o u s marchons à leur pourfnite ; nous ne tardons pas effeétivement à découvrir treize de ces dangereux Pirates; mais la rapidité de notre courie & notre air déterminé les mettent bientôt en fuite; nous volions vers eux à bride abattue; nos balles fifflèrent à leurs oreilles; nous ne pûmes cependant les approcher affez pour les ajuiler ; il me fuffiïoit, & e’étoit beaucoup pour ma fûreté , de leur avoir donné l’épouvante. Nous les vîmes tous , par des fentiers différens, s’engager dans: les montagnes & dkparoître entièrement; J admirois 1 agilité avec laquelle ils graviffoient, suffi vîtes que les Singes, les rochers les plus efcarpés-; je ne m’avifai point de m’attacher pins long-temps à le ara pas ; il y eût eu-, de l'imprudence a prétendre les attaquer dans leur fort, & leurs embufcades impénétrables. Ces gens ne nous auroient affurément pas masqués; ils étoient tout-à-fait nuds; je jugeai à leurs traces qu’ils por- totent des fandales ; cette petite alerte fut un bien ; elle fervit à nous rendre plus méfians; je doublai les gardes; Swanepoël & moi nousifîmes alternativement la ronde, tandis que mon: fidèle Klaas, à la tête d’un-petit détachement . vilitoit la vallée & .tous nos environs. De temps en temps, on tiroit du camp un coup de carabine , auquel mes pâtres étoient obligés de | répondre ;• j’-étois par ce moyen affuré qu’ils ne s’étoient pas endormis , & qu ils faifoient févèrement leur garde, ¿.du relie , cette précaution que j obfervois, par amour de l’ordre , & ponr n’avoir rien à me reprocher devenoit dans la c'irconfîancé allez inutile; le Hottentot craint moins un Lion qu’un Boffifman; cette frayeur fâlutaire tenoit tous les miens aux. aguets , & dans lès lieux les plus découverts , ce qui les faifoit cruellement fonffrir.; car la chaleur étoit devenue exceffive ; j’y étois pour le moins autant expofé qu’eux , & ne m’exemptois pas pour cela de mes chaffes. Il m’étojt affez indifférent de marcher ôu de relier tranquille; ma tente n’étoit point habitable ; c’eft dans ces occafions que ma barbe bien imbibée me procuroit quelque foulagement ; j’en tirois àuffi de la forme de mon chapeau que j’humeftois de même ; dans ces momens de crife , j’étois, fur tout dévoré d’unè foif-ardente ticomme j’avois remarqué que la, quantité d’eau queije -buvois ,loirt de me défaltérer, m’échauffoit au contraire beaucoup, j'imaginai de ne plus; boire qu’à l’inftar des Çhiens» e’elt-â-dire de Japper. Cette étrange manière me fervit merveilleu- fement . bien. Très peu d’eau fuffifoit alors pour étancher ma fo if, & je ne craignois plus d’en être incommodé. , Tant que nous reliâmes fur les bords de Platte-Rivier , les Lions nous inqiiiétoient fort-peu ; notre artillerie , qui ronfloit de tous côtés , pendant le jour, les tenoit écartés ; nous les enten-. dions, à la vérité, rugir toutes les nuits ; mais jamais, ii ce n’ell line feule fois,; ils n’osèrent nous'approcher affez pour nous alarmer. Les Panthères s’annonçoient auffi au lever & au coucher dû Soleil, fur les bords de la rivière; mais elles fe tenoient à des dillances éloignées ; au fort des nuits, elles s’avançoient d’avantage ; nous étions conilamment avertis par les chiens ; & , le lendemain , nous jugions à leurs traces, jiifqti’à quel point elles s'étoient hafardées. C’eft la néceffité feule qui rend audacieufes


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