ennemis? Lhabitude leur avoit-elle infpiré cette réflexion que, depuis plus d un an qu’ils Yoyageoient avec moi, les bêtes carna- cières qui, dans les commencemens leur avoient caufé tant d’inquiétude , navoient jamais olë les attaquer même approcher de tout près, ou bien prenoient*ils des hommes une alliez hauts idée pour ne voir en eux que des proteileurs puiffans , de* défenfeurs inexpugnables î Je ne l’expliquerai pas ; mais je fais que la Nature qui fournit indiflinúement à tous les animaux une portion fuflifante d’intelligence pour veiller à leur confervation, fembloit exprès pour tout ce qui m’entouroit, en avoir doublé la mefure, & j’ai fait, fur ce point, en plus d’une rencontre , des remarques qui m’ont toujours frappé d’étonnemenc & d’admiration. La morale de l’Hiftoire Naturelle s’étend plus loin qu’on ne penfe. L’oeil de la métaphyfique pénètre , de jour en jour , plus avant ; l’aveugle curiolité qui formoit feule autrefois nos colleélions, cède aujourd’hui la place A des motifs plus nobles & plus précieux; il n’efl plus de petits objets aux regards du Philofophe; le génie des découvertes fait tout [agrandir ; les infe&es, par exemple , regardés, il y a vingt ans, comme des objets minutieux & bornés , occupent une place brillante dans la chaîne des êtres (* ). A la pointe du jour, je retournai à la place où j’avois tiré la veille ; j’y reconnus le pas d’un Lion & celui de fa femelle, qui, quoiqu’également prononcé , eft toujours plus petit ; je fuivis quelque temps la trace ; par un léger détour , elle me ramena près de mes gens; ce qui nous prouva que nous avions été épiés de fort près. Nous nous félicitâmes d’avoir été jufqu’au jour fur nos gardes ; ce fut pour moi un utile avertiffement de ne plus, à l’avenir, voyager de nuit dans des Contrées que je connoiffois fi peu , & q u i, comme je l’ai appris par la fuite, font les pas de l’Afrique les plus dangereux à franchir. J’avois, fous mes voitures, des timons de rechange , coupés ( * ) H paroîtra bientôt un Traité complet é'Onthologie digne d’honorer le Savant qui a jeté les premiers fondemens de ce grand Ouvrage, 8c l ’Amateur eilimable qui protège 8c foutient de fa fortune une au® belle entreprife. dans dans les forêts d’Auteniquoï ; mais , comme à la place où nous venions de nous arrêter , l’eau nous manquoit abfolument, 8c qu’il n'y avoir pas de temps à perdre pour nous èn procurer, je fis réparer provifoirement les traits déchirés ; on attacha,' comme on put avec deux jumelles, le timon brifé* & nous partîmes. Quel fut notre chagrin lorfque, parvenus aux bords de la rivière plate, nous la trouvâmes à fec ! Nous la remontâmes pendant environ trois quarts d'heure, toujours mourants de foif, excédés ,’ hors d’haleine , & nous eûmes enfin le bonheur d’arriver à des fondrières qui confervoient un peu d’eau bourbeufe que le Soleil n’avoit pas encore dévorée. Nous ne voyions plus ici ce charmant & magnifique Pays de la Caffferie ; nous avions tout-à-fait perdu de vue ces gras pâturages & ces forêts majefiueufes fur lefquelles nos yeux avoient tant de plaifir à fe repofer! Des roches amoncelées, des fables arides fuccédoient chaque jour fous des formes toujours plus hideufes à ces doux fpeûaeles. Nous nous voyions de toutes parts circonf- crits par des montagnes dont les formes bizarrement inclinées, & les pics fouvent fufpendus fur nos têtes répandoient dans l’ame cette terreur profonde qui traîne le découragement après elle & réveille les trilles fouvenirs. Celles des Sneuwberg, au pied def- quelles nous nous trouvions, s’élançoient beaucoup au-deffus de toutes les autres, & les hivers aflîs fur leurs fommets, fembloient difputer au Soleil l’empire de ces affreux climats. Mon intention étant de parcourir & d’efealader une partie de cette fameufe cordilière, prévenu que les Bofîifmans y avoient établi, comme les Lions, leurs repaires ; & voulant me mettre à l’abri de toutes furprifes de la part des uns & des autres , jç plaçai mon camp tout à découvert & le fortifiai de mon mieuxt Un pas de Rhinocéros que j’avois rencontré , avoit, en un inffant, ranimé l’ardeur de mes anciennes chaffes. J’avois affuré d’une forte prime le premier de mes gens qui nje procureroit up de ces coloffes ; nous n’eûmes ce bonheur ni les uns ni les autres ; rien ne parut ; mais, fans m’y être attendu, je tombai fur un petit grouppe de huit Elaps ; j e u en ayflis point encore tué} je les Jqme I I , g *
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