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meme le temps de me déshabiller ; j’avois le corps abfolument truité ; Klaas me confeilla , au fortir de ce bain , de me laiffer frotter a la manière des Sauvages; je fus donc graîffé & boughoué pour la première fois de ma v ie , & je m’en trouvai foulagé : quoique nous ne nous fuiïions arrêtés qu’un quart d’heure dans cet endroit malencontreux, mes chiens & mes chariots étoient couverts de ces infeéles; l’opération balfamique à laquelle je venois de me livrer, étoit le feul moyen de m’en garantir jufqu’à ce que le temps ou le premier orage euffent achevé de nous en purger tout-à-fait ; en raifon de ce procédé familier à mes Hottentots, iis en avoient été moins affaillis que leur maître. Le nouveau iite que nous venions occuper , & fur lequel nous paflames la nuit, n’étoit pas fans agrémens ; nous étions flanqués au Nord par des forêts immenfes de ces mêmes arbres dont j’ai parlé ci-delîùs; la plaine étoit couverte de Mimofa que les Colons nomment Dooren-Boom ; j’eus le plaifîr de les voir en pleine fleur ; circonftance heureufe pour moi & que je n’avois garde de négliger; car , comme je l’ai dit, les fleurs de cet arbre attirent une quantité d’infedes rares qu’on ne trouve communément que dans cette faifon & ces mêmes infedes font arriver des volées de toute efpèce d’oi- feaux auxquels ils fervent de nourriture ; je me fixai donc dans cette plaine où je m’amufai à varier mes campemens ; j’eus lieu de préfumer que toute cette lifière , qui borde la forêt , avoit été autrefois habitée par les Caffres; nous n’y pouvions faire un pas, fans rencontrer des relies de huttes antiques plus ou moins dégradées phr le temps; j’y trouvai fans peine les deux efpèces de Gazelles Gnou & Spring-bock ; le filence des nuits.ne me parut jamais plus majeflueux qu’en cet endroit ; les rugiffemens des Lions réfonnoient autour de nous à des intervalles égaux ; mais les converfations de ces dangereufes bêtes féroces ne pouvoient nous effrayer après plus de douze mois d’habitude au milieu d’elles & n’interrompoient nullement notre fommeil. Nous ne nous relâchions cependant pas de nos précautions ordinaires. J’augmentois, de jour en jour, mes collections, & je les enrichis là d’un oifeau magnifique , inconnu des Ornithologifles ; mes gens lui donnèrent le nom. l/yt-Lager ( le moqueur ). Il fuflifoit qu’il apperçut l’un de nous ou même un de nos animaux, pour que fon efpèce arrivât par vingtaine fur les branches qui nous avoifinoient le plus; & là, dreffés perpendiculairement fur leurs pieds , & fe balançant tout le corps de côtés & d’autres, ils nous aflburdiflbient de ces fyllabes répétées avec précipitation g r a , G A , g a , G A ; les pauvres bêtes fembloient fe livrer à difcrétion ; nous en tuâmes tant que nous en voulûmes ; cet oifeau eft , à peu près, de la grofieur du Merle; fon plumage verd - doré a le reflet pourpre; fa queue longue a la forme d’un fer de lance; elle eft, de même que les pennes de l’aile, agréablement tachetée de blanc ; le bec courbe & long , eft remarquable, ainii que fes pieds, par une couleur du plus beau rouge ; il grimpe le long des branches pour y chercher des infeCtes dont il fe nourrit & qui fe cachent fous l’écorce qu’il détache très-adroitement avec ion bec. Il ne faut pas croire que ce foit un Grimpereau , quoiqu’il paroiffe y reflembler ; des caractères effentiels , comme on le verra, le féparent de cette claffe. Ayant, un foir, remarqué que , fans précautions & fans que notre préfence leur infpirât la moindre crainte, ils venoient tous fe coucher en foule dans différens trous creufés autour d’un très- gros arbre, près duquel nous étions campés, je fis boucher plu- fieurs de ces trous ; le lendemain , en levant avec précaution le fcellé, j’eus le plaifîr de les prendre par le bec, à mefure qu’ils fe préfentoient pour fortir; cette chaffe dît affurément facile & bien fimple ; on peut fe procurer, de la même façon , toutes les efpèces de Pics & de Barbus ; mais ceux-ci fe couchant plus myfté- rieufement que les premiers, font aufîî plus-difficiles à découvrir; il eft une règle que je crois allez générale: c’eft que tous les Oifeaux qui ont deux doigts devant & deux derrière, fe retirent dans des creux d’arbres, pour y palier la nuit ; ce qui ne prive pas de cet inftinct d’autres efpèces , telles que les Méfanges, les Tor- ches-Pot, &c. Il feroit imprudent de fourrer la main dans les trous dont je viens de parler, fans être bien fur de ce qu’on va y trouver ;


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