projet, & par conféquent de nouvelles trahifons ; que fon Kraal étant placé précifément entre les Colons & les Caffres, il pouvoit, tôt ou tard, devenir la viflime des uns ou des autres. Il me promit qu’il s’éloigneroit lorfque je ferois parti ; qu’il ne s’y étoit pas déterminé plus tôt pour fe ménager le plaiiir de me voir encore une fois, à mon retour de la Caffrerie; mais il ajouta, avec cette cordialité, cet amour dont il m’avoit déjà donné tant de preuves, que, fi les temps devenoient plus heureux, c’eit-à- dire, fi la paix fe rétabliffoit, fa réfolution étoit prife de venir s’initaler dans mon camp tant en mémoire d’un bienfaiteur, que parce qu’on ne pouvoit choilir un endroit plus agréable. Le 4 Décembre arriva; je partis... je tenterois vainement de peindre la confternation de ces malheureux Gonaquois ; on eût dit que je les livrois aux bêtes féroces, & qu’ils perdoient tout en me perdant ; je peindrois moins encore ce qui fe paffoit dans mon ame ; j’avois donné le fignal ; mes hommes , mes chariots, tous mes troupeaux déjà étoient en marche ; je fuivis ce convoi avec lenteur , traînant mon cheval par la bride ; je ne regardai plus derrière moi ; je ne prononçai plus un feul mot & je laiffai mes larmes foulager la vive oppreffion de mon coeur. Mes bons amis, mes vrais amis , je ne vous reverrai plus ! . . Quelle que foit la caufe des tendres fentimens que vous m’aviez jurés , foyez tranquilles; la fource n’en efl pas plus pure en Europe que parmi vous ; foyez tranquilles ; aucune force n’eft capable d’en afFoiblir la mémoire ; pleins de confiante en mes adieux, mes regrets & mes larmes, vous m’aurez peut-être attendu long-temps ! dans vos calamités , votre fimpliçité décevante vous aura peut-être plus d’une fois ramenés aux lieux chéris de nos rendez-vous , de nos fêtes ; vous m’aurez vainement cherché ; vainement vous m’aurez appelé à votre fecours ; je n’aurai pu ni vous confoler, ni vous défendre ! d’immenfes pays nous féparent pour jamais.. . . Oubliez-moi; qu’un fol efpoir ne trouble pas la tranquillité de vos jours ; cette idée feroit le tourment de ma vie; j’ai repris les chaînes de la Société ; je mourrai, comme tant d’autres, appefanti fous leur poids énorme ; mais je pourrai du moins m’écrier à mon heure dernière : « Mon nom déjà s’efface chez les miens, quand la trace de mes pas eil encore empreinte chez les Gonaquois »! D’après les indications que j’avois reçues , j’eftimois que nous trouverions les Sneuw-Berg à l’Oueit;qu’ainfi, laiffant le Bruyntjes- Hoogte à ma gauche & traverfant la chaîne de montagnes qui en porte encore le nom, quoiqu’elle s’en éloigne beaucoup, nous devions infailliblement arriver à celles de neige à quarante ou cinquante lieues , plus ou moins , fuivant les détours que me forceroient de prendre mes voitures & tout mon bagage. J’avois ouï parler fi diverfement de ces gattes ou montagnes, que , dévoré du plus ardent défir de les voir par moi-même & de les traverfer à mon aife, je ne pouvois y arriver affez tôt a mon gré. Prévenu d’ailleurs que leur élévation & la froidure de leurs fommets les rendent inhabitables pendant plufieurs mois de 1 annee, ce climat nouveau me promettoit des productions nouvelles, & des variétés de plus d’un genre, bien dignes affurément de piquer ma curiolité. La chaleur étoit exceflive ; nous n’en fîmes pas moins fix grandes lieues ; à une heure après midi, nous nous arrêtâmes fur les relies d’un Kraal horriblement dévallé ; fa trille Horde avoit probablement été furprife & malfacrée fur la place ; la terre étoit jonchée d’offemens humains & de parties de cadavres ; révoltant ipeflacle que nous nous empreffâmes de fuir! Remis en route , a quatre heures du foir, trois heures de marche nous conduifirent à une habitation délaiffée, dont on avoit feulement enlevé les meubles; je me propofai d’y paffer la nuit; mais à peine nous y fûmes-nous établis , que des démangeaifons extraordinaires parcoururent tout mon corps ; je me découvris la poitrine ; elle étoit noircie d’effaims innombrables de puces; mes Hottentots ne furent pas non plus entièrement exempts des atteintes de cette vermine importune; nous quittâmes, fur le champ, ces lieux empoifonnés, que mes gens nommèrent le Camp des puces , pour aller nous établir , plus loin, fur les bords d’un ruiffeau limpide & très - riant ; je m’y plongeai tout entier fans me donner X x ij
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