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tifme. C’eft le père d’un Peuple libre ; il n’eft ni refpeâé , ni craint ; il eft aimé. "Souvent il eft le moins riche de fes Sujets, parce que, maître de prendre autant de femmes qu’il en veut, & ces femmes fe faifant un honneur de lui apartenir, la' dépenfe que fon train royal occafionne, & qu’il eft obligé de prendre, dans fa caiffe particulière, je veux dire, dans fon champ, fes beftiaux, fes fourages , &c. fouvent le ruine & réduit fes propriétés à rien. Sa cabane n’eft ni plus haute ni mieux décorée que les autres ; il raffemble fa famille & fon' férail autour de lui ; ce qui compofe un groupe de douze ou quinze huttes tout au plus ; les terres qui ¿’environnent font ordinairement celles qu’il cultive; c’eft un ufage que chacun récolte lui-même fes grains pour en difpofer à fa manière ; c’eft la nourriture favorite des Caffres ; ils les écrafent & les broyent entre deux pierres ; c’eft auflî, pour -cette raifon, que chaque famille s’ifolant pour avoir fes productions à fa portée, une Horde feule qui ne feroit pas fort nom- breufe , peut occuper fouvent une lieue quarrée de terrein ; ce qu’on ne voit jamais chez les Hottentots ni les Gonaquois. Cet éloignement des différentes Hordes entr’elles , exige qu’on leur donne des Chefs. C’eft le Roi qui les nomme. Lorfqu’il a à ‘leur communiquer des avis intéreffans pour la Nation, il les fait ■venir & leur donne fes ordres que je devrois appeler fes nouvelles : les différens Chefs, porteurs de ces nouvelles, retournent chez eux pour en faire part aux leurs. L’arme du Caffre, la fimple lance ou fagaye, annonce en lui un caraétère intrépide’ & grand ; il méprife & regarde comme indigne de fon courage les flèches empoîfonnées, fi fort en ufage rihez fes voifins; il cherche toujours fon ennemi face à face; il ue peut lancer fa fagaye qu’il ne foit à découvert. Le Hottentot, itu contraire, caché fous une roche , ou derrière un buiffon, envoie la mort, fans s’expofer à la recevoir ; l’un eft le Tigre perfide qui fond traîtreufemerrt fur fa proie ; l’autre eft le Lion généreux qui s’annonce , fe montre , attaque & pé rit, s il neft pas vainqueur: l’inégalité des armes n’eft point capable de le faire balancer; fon courage fon coeur font tout pour lui ; en guerre , a la vérité, il porte un bouclier d’environ trois pieds de hauteur, fait de peau de Buffle prife dans la partie la plus épaiffe ; cela lui fuflit, pour le défendre des flèches & même des fagayes ; mais cette arme défenfive ne le met pas à l’abri de la balle; le Caffre manie encore , avec beaucoup d’adreffe, une arme non moins terrible que la fagaye, lorfqu’il a joint fon ennemi ; c’eft une maffue de deux pieds & demi de hauteur, faite d’un feul morceau de bois ou racine de trois à quatre pouces de diamètre, dans fa plus grande épaiffeur, & qui va en diminuant par l’une des extrémités ; il frappe avec cet affommoir ; quelquefois même il le lance à quinze ou vingt pas ; il eft rare qu’il n’atteigne pas au but qu’il s’eft pro- pofé;j’ai vu l’un de ces Sauvages tuer ainli une perdrix dans le moment où elle s’élevoit pour s’envoler. Le pouvoir fouverain eft héréditaire dans la famille du Roi; fon fils aîné lui fuccède toujours; mais, à défaut d’héritiers mâles, ce ne font point les frères mais les plus proches neveux qui fuccé- dent ; dans le cas où le Souverain ne laifleroit ni enfans ni neveux, c’eft alors parmi les Chefs des différentes Hordes qu’on choifit un Roi ; quelquefois l’efprit de parti s’en mêle ; de là la fermentation & les brigues qui finiffent toujours par des fcènes fanglantes.. La polygamie eft d’ufage chez les Caffres ; leurs mariages font encore plus fimples que ceux des Hottentots; les parens du futur font toujours, contens du choix qu’il a fait ; ceux de la future y. regardent d’un peu plus près; mais il eft rare qu’ils faffent de grandes difficultés; on fe réjouit; on boit; on danfe pendant des femaines entières, plus ou moins, félon la richefle des deux familles ; ces fêtes n'ont jamais lieu que pour de premières époufailles ; les autres fe font, pour ainfi parler, à la fourdine. Les Caffres ne font pas plus de mufique, n’ont pas d’autres inftrumens que les Hottentots, fi ce n’eft que j’ai v u , chez l’un d’eux, une mauvaife flûte qui ne mérite pas qu’on en parle ; à l ’exception du pas Anglois, leurs danfes font à peu près les mêmes. À la mort du père, les enfans mâles & la mère partagent entr’eux la fucceffion ; les filles n’héritent point ; elles relient avec leurs frères ou leur mère, jufqu’à ce qu’elles conviennent à quelqu'homme;


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