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Une particularité qui, peut-être , ne fe rencontre nulle part ; & qui mérite de fixer l’attention, c’eft que les femmes Caffres ne font aucun cas de la parure ; comme elles font, en comparaifon des autres Sauvages , bien faites & jolies , auroient - elles donc de plus le bon efprit de croire que les ornemens font moins faits pour ajouter à la beauté, que pour mafquer des imperfettions I quoi qu’il en puiffe être , on ne leur voit jamais l’étalage & la profufion de la coquetterie Hottentote. Elles ne portent pas même de bracelets de cuivre ; leurs petits tabliers , plus courts encore que ceux des Gonaquoiles, font bordés de quelques rangs de verroterie ; voilà leur plus grand luxe. La peau que les Hottentotes portent fur les reins, par derrière, les femmes Caffres la font remonter jufqu’aux aiffelles, & l’attachent au-deffus de la gorge qui en eft couverte. Elles ont aufli, comme leurs maris, le Kros ou Manteau, foit de Veau, foit de Boeuf, mais prefque toujours ras ; les uns & les autres ne s’en fervent que dans la faifon plu- vieufe ou lorfqu’il fait froid. Ces peaux font aufli maniables , aufli moëlleufes que nos plus fines étoffes ; quant aux procédés de la mégifferie dès Caffres, ils font à peu près les piêtnes que ceux des Hottentots. • Quelque foit le temps , quelle que foit la faifon , jamais les deux fexes ne couvrent leur tête; j’aî quelquefois remarqué une plume fichée dans les cheveux ; encore cette fantaifie eft - elle fort rare. Les précautions des femmes Caffres, dans leurs accouchemens & dans leurs incommodités périodiques, font abfolument femblables à celles des Gonaquoifes ou Hottentotes. Leurs occupations journalières fe bornent à façonner de la poterie , qu’elles travaillent aufli adroitement que leurs maris ; celles que j’avois eues dans mon Camp , y ayant trouvé de la terre glaife qui leur convenoit, n’avoient point perdu cette occafion de fe faire des: marmites & autres vaiffelles à leur, ufage ; elles n’avoient même pas manqué, à leur départ, d’emporter une grande provifion de cette terre, dont elles avoient chargé leurs Boeufs; ce font encore ces femmes, comme je l’ai dit, qui travaillent les paniers; ce font-elles qui préparent les champs à recevoir les femences; elles grattent la terre avec des pioches de bois plutôt qu’elles ne la labourent. Les cabanes Caffres, plus fpacieufes & phu élevées^ que celles des Hottentots, ont aufli la forme plus régulière ; c eft abfolument un demi-globe parfaitement arrondi ; la carcaffe en eft faite avec une efpèce de treillage bien folide & bien uni, parce quil doit durer longtemps; on l’enduit enfuite, tant en dedans qu en dehors, d’une efpèce de torchis ou d’algamaffe de bouze & de glaife battus enfemble , & tien uniment répandus ; ces huttes offrent à l’oeil un air de propreté que n’ont certainement point les demeures hottentotes; on les croiroit badigeonnées; la feule ouverture qui foit à ces cabanes eft tellement étroite & baffe, qu’il faut fe mettre à plat-ventre pour y pénétrer ; cette coutume me parut d’abord extravagante & renchérir beaucoup fur celle des Hottentots ; mais, comme ces huttes ne fervent abfolument qu’a paffer la nuit, il eft plus facile de s’y clore & de s’y défendre, foit contre les animaux, foit contre les furprifes de l’ennemi. La fol intérieur eft enduit comme les murs ; dans le centre on ménage un petit âtre ou foyer circulairement entouré dun rebord faillant de deux ou trois pouces pour contenir le feu & mettre la cabane à l’abri de fes atteintes ; dans le tour extérieur & à cinq ou fis pouces de la cabane, on creufe un petit canal profond d’un demi- pied & qui porte autant de largeur ; ce canal eft deftiné à recevoir les eaux ; cette précaution éloigne toute efpèce d humidité ; j’ai yifité & parcouru, dans différens cantons, plus de fept à huit- cents huttes ; jamais je n’en ai vu une feule qui fut quarrée, comme on l’a dit; d’ailleurs je crois qu’il importe peu au Lefteur de favoir fi ces Sauvages font logés quarément ou rondement, mais c’eft une remarque qui m’a prouvé que cette manière de vouloir tout dire, décèle, tôt ou tard, le Voyageur qui n’a pas tout vu. Les terres de la Caffrerie étant, foit par elles-mêmes, foit par leurs pofitions, foit aufli par la quantité de petites rivières qui les rafraîchiffent, beaucoup plus fertiles que celles des Hottentots, V v ij


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