n’étoit point une couveufe , je m’empreffai d’arriver à l’endroit d’où elle étoit partie , & je trouvai" effeâivement onze oeufs encore chauds & quatre autres difperfés' à deux & trois pieds du nid. Eappelai mes compagnons , qui accoururent à l’inftant ; je fis cafter un des oeufs chauds , nous trouvâmes un petit tout formé, de la groffeur d’un poulet prêt à fortir de fa coquille; je croyois tous les oeufs gâtés ; mes gens pensèrent bien différemment ; chacun s’empreffa de tomber fur le nid ; mais Amiroo s’empara des quatre autres voulant m’en régaler, & m’affûrant que je les trouverois excellens. C’eft alors feulement que j’appris de ce Sauvage, ce que mes Hottentots eux-mêmes ignoroient, ce qui n’eft point connu des naturaliftes, puifqu’aucun que je fâche n’en a parlé , & ce que j’ai eu plus d’une fois dans la*fuite l’occafion de vérifier: favoîr que l’Autruche place toujours à portéé de fon nid un certain nombre d’oeufs proportionné à ceux qu’elle deftine à l’incubation ; ces oeufs n’étant point couvés, fe confervent frais très long-temps & l’inftindl prévoyant de la mère les deftine à la -première nourriture de ceux qui vont éclore ; l’expérience m’a convaincu de la vérité de cette affertion ; & , toutes les fois que j’ai rencontré des nids d’Au- truches, plufieurs oeufs en étoient féparés comme à celui-ci. Lorfque je donnerai la defcription des moeurs de ce fingulier animal, je m’étendrai d’avantage fur cet article intéreffant. A fept heures & demie du foir, je fis arrêter près d’une lagune confidérabk, formée des eaux de l’orage. Nos boeufs en avoient manqué à la halte du midi, & rien ne m’affuroit que je duffe en trouver plus loin. Les feux faits, chacun accommoda fes oeufs à fa manière ; on enleva la calotte de l’un de ceux qui m’étoient réferv#; on y introduifit un peu de graiffe après l’avoir enterré à moitié dans des cendres brûlantes ; & le remuant avec une petite cuillière de bois, on en fit ce-qu’on apelle un oeuf brouillé, qui, fi ma mémoire eft fidèle , pouvoit équivaloir au moins à deux douzaines d’oeufs de poules ; malgré la voracité de mon appétit, & le goût exquis de ce nouveau mets, je ne pus en manger que lâ jnoitié ; plufieurs de mes gens , après avoir ôté le petit qu’ils trpuvoiçnt dans le leur, faifoiçnt une omelette du refte ; je les examinois examinois en les plaifantant fur ces fins ragoûts d’oeufs couvés ; je ne pouvois croire qu’ils ne fullent pas infefls ; j’en voulus goûter ; fans la prévention qui m’aveugloit , je ne leur aurois pas trouvé de différence avec le mien, & j’en aurois mangé tout comme eux. La foirée fe paffa fort gaîment; il n’en fut pas ainfi de la nuit; les aboiemens continuels de nos chiens nous tinrent tous éveillés; l’inquiétude que nous caufoit leur vacarme étoit d’autant plus forte, qu’aucun autre bruit ne frappoit nos oreilles. Ce n’étoit donc aucune bête féroce; elle fe fût décelée tôt ou tard; nos foupçons s’arrêtèrent furies Sauvages & je craignis quelqu’embufcade; le jour parut enfin , mais il ne ramena pas la tranquillité ; nous furetâmes inutilement de "tous côtés; nous ignorions fi c’étoient ou des Caffres ou ces Pirates de Bofliimans; le terrein aride & les herbes sèches fur lefquels nous étions campés, ne nous permettoient pas de découvrir leurs traces; ainfi le 10 , fans avoir appris davantage, nous partîmes, en nous orientant toujours à l’Eft. Cette direûion nous conduifit dans un canton pii les Mimofa fe trouvèrent en fi grande abondance, fi hauts & fi touffus , qu’ils formoient une véritable forêt ; après l’avoir traverfée , nous rencontrâmes une petite rivière que nous eûmes l’avantage de pouvoir paffer à gué; nous fuivîmes fes bords pendant l’efpace de deux grandes lieues , après quoi nous campâmes , lorfque nous vîmes que ftous allions être furpris par la nuit. J’avois été averti, par notre guide que , trois lieues plus loin , nous rencontrerions- enfin le Kraal de ces Caffres qui m’avoient follicité de me rendre chez eux ; je défirois d’autant plus de le voir, qu’il étojt très-ancien , très-curieux , que rarement cette place , fort commode & très-connue des Sauvages , reftoit vacante, & que la Horde de ceux-ci étoit fort nombreufe. Pour ne pas nous trahir nous-mêmes, je défendis de tirer un feul coup de fufil fur le gibier ; je fis dreffer ma tente, allumer du feu, & nous y reftâmes autour fort avant dans la nuit, après q éo i, pour tromper l’ennemi à la parole de qui je ne me fiois qu’avec prudence, lorfque j’eus fait jeter’ de nouvelles branches dans ces feux pour l ’alimenter jufqu’au jour, nous allâmes nous établir & nous coucher fur des Tome I I . S s
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