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tout au plus douze à quinze pouces de hauteur ; le mâle a des cornes droites ,.liffes & Taillantes d’un travers de main ; ce petit animal eft d’une couleur gris-de-fouris; il prend une teinte rouffâtre fur l’épine du dos ; le ventre & l’intérieur des jambes font blancs ; il fuffit de voir l’élégance de fa forme, pour juger de fa légèreté ; il fe livre à des bonds qui furprennent , il fe blotit comme un Lièvre ; lorfqu’on a pu l’approcher , & qu’on en eft aperçu , il part avec la rapidité de l’éclair , &, s’arrêtant à quelque diftance , il examine le Çhaffeur ; c’eft le feul moment de le tirer ; encore faut-il le faifir ; car ce n’eft qu’un moment. Son c r i, que je devrois nommer fon ramage, eft fort long & très-aigu ; j’effayerois vainement de le rendre; il commence par un fifHement coupé de fons pareils à ceux d’un tambour de bafque garni de fes grelots , 8t fes fons chevrotés les imitent affez bien. On ne conçoit pas qn un fi petit animal puiffe faire à lui feul un bruit aufli fort; je croyois rêver, lorfque je l’entendis pour la première fois. Du refte fa viande, la plus délicate de toutes les Gazelles, étoit pour nous un manger friand; je donnerai la figure & la defcription de cet Animal. Entr’autres oifeaux neufs de ce Canton, je tirai un petit Aigle qui avoit une huppe fort longue & pendante derrière la tête, & je nommai Martin- ChaJJtur un autre oifeau , a caufe de fon analogie, quant à la' forme , avec celui nommé Martin - Picheur ; fon bec alongé eft rouge; le dos , les ailes & la queue font d’un b.leu vif ; il vit d’infeâes , n’habite que les bois , & fait fon nid dans des creux d’arbres ; je n’oublierai pas ce bel animal, dans mon Ornithologie. Il ne nous arriva rien de remarquable dans ce campement ; tant que dura notre féjour, nous éprouvâmes, tous les foirs, régulièrement entre trois & quatre heures, des orages qui nous incommodèrent peu , parce qu’ils -ne duraient pas long-temps ; mais, le <j du mois, nous pliâmes enfin bagage, & reprîmes notre route. Mes Hottentots, fuivant leur ufage de donner aux lieux la nom d’un événement qui s!y foit paffé, avoient nommé le Kraal que nous quittions , le Camp àu majjacrc* Nous avançâmes, droit a l’Eff, & traverfâmes un Canton dont toutes les herbes avoient été la proie des flammes; une nouvelle verdure qui commençoit a^ pointiller, nous offroit le plus beau tapis verd ; nous rencontrions, à chaque pas , des troupes de Spring-Bock, de Gnous & tl Autruches;- comme nous avions plus de vivres qu’il ne nous en fallait, nous1 ne tirâmes point fur les Gazelles; j’envoyai feulement quelques» coups de fufil aux Autruches; mais,trop méfiantes pour felaiffer joindre d’affez près , je ne réufîis à en abattre aucune. A mefure que nous avancions , les Gazelles fe réuniffoient, pour nous voir paffer ; la chaleur étoit exceffive , & la tranfpiration fi abondante qu’il s’élevoit un nuage de vapeurs du milieu de ces troupes innombrables ; je tirai, en marchant , affez de perdrix pour le dîner de tout mon monde ; nous ne ifbus arrêtâmes pour les apprêter qu’après cinq grandes heures de fatigue. L’orage furvint à l’ordinaire, & fervit à nous rafraîchir; tous ces cantons étoient marqués de pas de Boeufs à la vérité fort anciens ; mais j’étois fur- pris qu’un aufli beau pays fut entièrement défert, & que nous ne rencontrafîions pas un feul Caffire. Hans prétendoit que l’alarme avoit été trop générale; & , quoique nous euflîons déjà fait trente lieues , je commençois à défefpérêr de rencontrer aucun Kraal ; tout annonçoit que ces peuplades s’étoient retirées fort avant vers le centre ; ou , s’il arrivoit que nous fîflions quelque découverte , ce ne pouvoit-être que des efpions des Hordes qui, dévoués au bien général, rôdoient dans la campagne , ou fe tenoient cachés dans des embufcades. En caiïfant familièrement avec mes gens , j’aperçus une petite troupe de Gazelles q u i, frifant notre côté, détaloient à toutes jambes ; une meute de dix-fept chiens fauvages étoit à leuPpour- fuite ; à l’inftant je fautai fur mon Cheval & piquai des deux pour défendre les Gazelles , St attaquer les-chiens ; malheureufement je perdis bientôt de vue les uns & les autres. Les cailloux recouverts par l’herbe , contre lefquels mon Cheval heurtoit à tous momens, . faillirent à nous rompre le cou à tous les deux ; je retournois bride, pour rejoindre mon monde , lorfqu’il s’éleva, dans le même moment, use Autruche â vingt pas de moi. Dans le doute fi ce


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