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encore goûtés; je faifis cette occafion qui les mettoit fi bien à ma, portée, & je jugeai qu’il falloit être Eléphant foi-même pour trouver ces fruits fupportables. Mes Hottentots me firent remarquer un arbre que je n’avois pas encore vu , & qui ci-devant, étoit, à ce qu’ils me dirent, allez commun dans les Colonies ; on le deftinoit , de préférence, au charronnage ; mais exclufivement pour la Compagnie, qui avoit fait des défenfes expreffes & très-févères de l’employer autrement qu’à fon iervice ; cette exdufion a caufé fa ruine ,& l’on n’en voit plus que dans les lieux éloignés des Colonies ; d’un autre côté l’indolence des Colons l’a laiffé tout-à-fait périr, de telle forte qu’on le regarde maintenant comme une efpèce perdue. On nomme cet -arbre au Cap Boeken-Houtt. La Caffrerie offre fouvent, dans le voifinage des petites irivières & dans les endroits marécageux, des arbres très - reffeffiblans à nos Saules; j’y ai fouvent auffi rencontré des Amandiers fauvages ( Wildt-Amandtl ) , dont les feuilles étroites & les fruits de la même forme que les nôtres , n’en différoient que par le rouge brun de leur Brou. Il appartiendroit à un Botanifte éclairé, de parcourir la belle contrée que je décris; il y trouveroit certainement des objets dignes de fixer fon attention, & qui tourneroient au profit de la Science. Pour moi, je ne m’arrêtois qu’à ce qui me paroiffoit extraordinaire & que je n’avois point encore vu ; incapable d’affi- gner aux plantes, aux arbuftes, aux arbres, leur véritable mérite, je n’étois guères émerveillé que des différences frappantes, telles, par exemple , qu’une moufle ou lichen jaune qui les garnit ; toutes les pouffes de fes brins portant fouvent dix à douze pieds de long. Mes gens, dans leur langue , le qualifioient de chevelure ; dans certains Cantons les arbres ¿an étoient tellement garnis qu’on ne diftinguoit ni tronc ni branche , ni même une feule feuille ; ce qui me paroiffoit bien extraordinaire. Cette moufle m’a fingulièrement fervi dans l’apprêt de mes oifeaux-; je confeille fort aux Ornitologiftes à qui il prendra fantaifie d’aller vifiter cette partie très-curieufe de l’Afrique, de \ s’épargner l’embârras des étoupes , du coton & autres ingvédiens femblables. Afin de m’approvifionner pour tout mon Voyage, dans la crainte de n’en plus rétrouver'ailleurs , je fis abatre, ici même, un de ces arbres , & on le dépouilla de toute fa chevelure. La plus déliée eft en même temps la plus jeune & la plus courte; celle de fix ou dix pieds eft plus dure , & rie peut gueres fervir que pour les Quadrupèdes & de tres-gros oifeaux. On trouve aufli prefque par-tout des Liannes qui , parvenue* jufqu’aux fommet & aux moindres branches des arbres , laiffent tomber des filets qui pendent jufqu’à terre ; très-foibles dans leurs commencements, ils atteignent à la longue jufqu à la groffeur du bras, comme ceux qu’on voit en Amérique ; ces filets font innombrables ; ils ne portent point de feuilles ; les Naturels de ce Pays, les nomment Bavians-Touw ( cordes du Bavian ) , parce que les Singes s’en fervent polir grimper au fommet des arbres, & a.rivey au fruit de la Lianne , qui ne erqit qu’aux extrémités de la plante, à la naiffance des filets; ce fruit , de la groffeur de la cerife & d’un rouge cramoifi , dont les oifeaux , notamment les Touracos, font très-friands , renferme dans fa pulpe quelques femences rondes & plates ; je parle-ici de lefpece particulière de la Lianne, à laquelle on a donné le nom de raifin. Sauvage, à caufe de la reffemblance de fa feuille avec celle de la vigne; ces cordes naturelles peuvent aifément foutenir un homme, fi la branche de laquelle elles defcendent, eft affez forte; Cette cerife eft très-bonne & propre à donner de l’eau de vie; en confiture, elle vaut mieux encore ; j’ai fouvent imité les Bavians & grimpé» par les cordes aux fommets des arbres, pour en cueillir les fruits, quelques fois pour y chercher des infeâes. Au furplus, ces bois étoient peuplés de deux efpèces de Gazelles peu farouches, le Bos-bock que je connoiffois d’ailleurs, & celle nommée par les Hottentots Noumetjcs; je n’avois fait qu’apercevoir celle-ci dans le Pays d’Auteniquoia;. elle n’eft pas rare, mais il eft difficile de l’approcher affez pour la tirer ; elle ne fe montre point non plus en plaine, & fe tient au contraire cachée dans les taillis & la plus profonde épaiffeur des forêts ; elle porte


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