10 V O Y A G E (quatre liv. dix fous le Rixdaaler); dix quartes de bled pour quatorze à quinze Rixdaalers ; ainfi du refte. A la vérité, pendant la guerre , tout étoit extraordinairement renchéri ; & , dans les derniers temps , on payoit quarante-cinq Rixdaalers ( deux cent- deux liv. de France ) un miférable fac de pommes-de-terre , & cinquanteifous un petit chou-pomme.» Cependant le prix des pen* fions n’étoit point, pour cela , augmenté. Le poiffon eft très-abondant au Cap ; parmi les efpèces les plus eftimées , on diftingue le Rooman, poiffon rouge de la baie Falfo, le Klepvis , qui n’a point d’écailles. Celui - ci fe prend dans les rochers qui bordent la mer ; le Stéenbraafen , le Stompneus & quelques autres. Ces poiffons excellens figurent exclufivement fur les bonnes tables. Les huîtres font très-rares ; on n en trouve que dans la baie Falfo ; Mais l’anguille eft plus rare encore ; jamais je n’y ai vu d’écreviffes ; on y mange des oreilles de mer , nommées Klepkoufen. Il faut s’éloigner de plufieurs lieues du Cap , pour fe procurer du gibier ; le plus commun font le Steenbock , le Duyker , le Reebock , le Grysbock , le Bontebock , toutes différentes efpèces de Gazelles dont je parlerai plus amplement dans ma Defcription des quadrupèdes ; le Lièvre, fur-tout la petite efpèce qu’on nomme le Lièvre de dune , eft affez abondant ; mais il na pas le fumet du nôtre. On rencontre auffi des Perdrix de diverfes efpèces plus ou moins groffes , plus ou moins délicieufes que dans nos Contrées; mais la Caille & la Bécaffxne ne diffèrent point de celles d’Europe. On ne les voit là qu’à leur paffage. Quoi que puiffent dire les enthoufiaftes du Cap , il me femble que nos fruits y ont bien dégénéré. Le raifin feul m y parut délicieux ; les cerifos font rares & mauvaifes ; les poires & les pommes ne valent pas mieux , & ne fe confervent point. En revanche , les citrons & les oranges, de 1 efpèce fur-tout appelée Naretyes , font excellens ; les figues délicates & faines ; mais la petite banane, autrement le pifan, eft de mauvais gout. Ne faut- 11 pas s’étonner que dans un auffi beau Pays, fous un ciel auffi E N A F R I Q U E. H pur, fi l’on excepte quelques baies affez fades, il ne fe tronve aucun friiit indigène ? L’afperge & l’artichaut ne croiffent point au Cap ; mais tous les autres légumes d’Europe y femblent natn- ralifés: on en jouiroitJoute l’année, fi le vent de Suc-Eft , qui règne pendant trois mois , ne defféchoit la terre au point de la rendre incapable de toute efpèce de culture; il foufïïe avec tant de furie , que , pour préferver les plantes, on eft obligé de faire, à tous les carreaux du jardin, un entourage de forte charmille. La même chofe fe pratique à l’égard des jeunes arbres qui, malgré ces précautions, ne pouffent jamais de branches du cote du vent, & fe courbent toujours du côté oppofé; ce qui leur donne une trifte figure: en général, il eft très-difficile de les élever. Fai fouvent été témoin des ravages de ce vent ; dans 1 efpace de vingt-quatre heures , les jardins les mieux fournis font en friche & balayés ; c’eft depuis Janvier jufqu’en Avril qu’il règne fur toute la pointe de l’Afrique, & fort avant dans les terres. Il eft arrivé , dans mes Voyages , que mes chariots en ont été renverfés; il ne me reftoit fouvent d’autre parti à prendre que de les attacher à de gros buiffons , pour les empêcher de culbuter. Ce vent s’annonce au Cap par un petit nuage blanc qui s'attache d’abord à la cîme de la montagne de la Table , du côté de celle du Diable. L’air commence alors à devenir plus frais ; peu- à-peu le nuage augmente & fe développe. Il groffit au point que tout le fommet de la Table en eft couvert; on dit alors communément que la montagne a mis fa perruque. Cependant le nuage fe précipite avec violence & pèfe fur la Ville ; on croiroit qu’un déluge va l’inonder & l’enfevelir ; mais , à mefure qu’il gagne le pied de la montagne , il fe diflipe ; il s’évapore ; il femble qu’il fe réduife à rien. Le ciel continue d’être calme & ferein fans interruption. Il n’y a qne la montagne qui fe reffente de ce court moment de deuil qui lui dérobe la préfonce du foleil. Fai fouvent paffé des matinées entières à examiner ce phénomène fans y rien comprendre ; mais , dans la fuite , lorfque j’ai fréquenté la baie Falfo, du côté oppofé de la montagne, j’ai B ij
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