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de mes plaifar.teries par tous les défagrémens qu’il étoit en fon Pouvoir de me faire effuyer pendant la route. Ils ne furent pas de longue durée ; car § à dater de cette aventure fingulière , le refte du Voyage s’écoula fort heureufement. Nous eûmes toujours bon vent ; après trois mois dix jours de traverfée , nous découvrîmes les montagnes du Cap, qu’éclairoit alors le plus beau ciel ; j’en pris le deflin ; & ,le même jour, à trois heures après midi, nous mouillâmes dans la Baie de la Table. , Le Capitaine de port, M. Staring , vint à bord ; il nous confirma la déclaration de guerre dont la Colonie étoit déjà informée par une Frégate Françoife ; le lendemain , je me rendis à terre , & m’empreffai d’aller faluer les perfonnes auxquelles j’étois recommandé , & dé leur remettre mes lettres. Je fus accueilli avec honnêteté, même avec diftinflion ; M. Boers, Fifcal, & M. Hacker eurent pour moi toutes les prévénances de l’amitié : je fentis que je ne les devois point à cette politeffe d ufage qui remplace ailleurspar de vaines grimaces, ce befoin fi cher d’obliger fon femblable, & n’eft qu’un art perfide de tromper mieux la crédule franchife d’un Etranger ; Us m’offrirent tous les fervices que mes recommandations , & leur rang diftingué me mettoient en droit d’en attendre. J’y comptai : j’avois affaire à des Hollandois. J’étois impatient de connoître ce pays nouveau , où je me voyois tranfporté comme en fonge. Tout fe préfentoit a mes regards fous un afpeft impofant, & déjà je mefiwois de l’oeil les tiéferts imtnenfes où j’allois m’enfoncer. La ville du Cap eft fituée fur le penchant des montagnes de la Table & du Lion. Elle forme un amphithéâtre qui s’alonge jufques fur les bords de la mer. Les rues, quoique larges , ne font point commodés, parce qu’elles font mal pavées. Les maifons , prefque toutes d’une -bâtifTe uniforme , font belles & fpacieufes : on les couvre de rofeaux , pour prévenir les accidens que pourroient occafionner des couvertures plus lourdes, lorfque les gros vents fe font fentir ; l’intérieur de ces maifons n’annonce point un luxe frivole; les meubles font d’un goût fimple & noble. Jamais on n’y n’y voit de tapifferies ; quelques peintures & des glaces en font le principal ornement. L entrée de la Ville, par la place du château , offre un fuperbe coup-d’oeil. C’eft là que font affemblés, en partie, les plus beaux édifices. On y découvre, d’un côté, le jardin de la Compagnie dans toute fa. longueur ; de l’autre , les fontaines dont les eaux defcen- dent de la Table par une crevaffe qu’on aperçoit de la Ville & de toute’ la rade. Ces eaux font excellentes , & fourniffent avec abondance à la corffommation des Habitans, ainfi qu’à l’appro- vifionnement des Navires qui font en relâche. En général, les hommes me parurent bien faits , & les femmes charmantes. J étois furpris de voir celles - ci fe parer , avec la recherche la plus minutieufe de l’élégance de nos dames Fran- çoifes ; mais elles n ont ni leur ton ni leurs grâces ; comme ce font toujours les Efclaves qui donnent le fein aux enfans du Maître , la grande familiarité qui règne entr’eux influe beaucoup fur les Moeurs & 1 Education. Celle des hommes eft plus négligée encore , fi l’on excepte les enfans des riches qu’on envoie en Europe pour les faire inftruire; car on ne voit au Cap d’autres Inftituteurs que des Maîtres d’Ecriture. Les femmes touchent prefque toutes du clavecin ; c’eft leur unique talent. Elles aiment à chanter , & font folles de la danfe : auffi eft-il rare qu’il n’y ait pas plufieurs bals par femaine. Les Officiers des Navires en relâche, qui font en rade , leur procurent fouvent ce plaifir. A mon arrivée, le Gouverneur s’étoit mis dans l’ufage de donner , tous les mois, un bal public , & les perfonnes diftinguées de la Ville fuivoient fon exemple. J’étois étonné qu’il n’y eût ni café ni auberge dans une Colonie ou il arrive tant d’Etrangers ; mais il eft vrai qu’on trouve à peu près a fe loger chez tous les Particuliers. Le prix ordinaire, pour la chambre & la table, eft une piaftre par jour; ce qui eft affez cher quand on fonge à la valeur modique des denrées du Pays; rs e mon féjour, la viande de boucherie étoit à très-bas prix. Jai vu donner treize livres de mouton pour un Efialin (douze US ~ e laiKe ) » un koeiif pour douze à quinze Rixdaalers lomt I , ■


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