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dont l'un portoit le Pavillon, je me mis en marche, & perdis bientôt de vue mon camp ; il fallut remonter la rivière l’efpace d’une lieue & demie pour la traverfer ; une partie de mes gens qui m’a- voient accompagné jufques là rebroufsèrent chemin lorfque nous eûmes gagné l’autre bord. Nous quittâmes cette rivière , & prîmes notre route droit au Nord-Eft ; c'étoit, fuivant mon fyftême qui s’accordoit affez avec les éclairciffemens de Hansentamer la Caffrerie par fa plus grande profondeur; nous marchions continuellement fous la même efpèc d’arbres ( le Mimofa Nilotica ) dont toutes les parties du Canton font parfemées ; la terre étoit couverte d’herbes très-hautes qui nous fatiguoient extrêmement; mes gens en fouffroient plus que moi, attendu que comme elles étoient en même temps fort deffé- chées , leurs jambes s’enfanglantoient à chaque pas ; ils y remédièrent en fe faifant des bottines avec des peaux & des herbes treffées. Mes Boeufs feuls paroiffoient charmés de l’aventure, & , tout en marchant ; fe faturoient à leur gré, fans avoir la peine de baiffer la tête jufqu’à terre. Nous avions toujours fous les yeux -des Gazelles de différentes efpèces , notamment celles de Parade ou Spring-Bock; mes Chiens firent lever une Outarde que je tuai ; elle formera encore une efpèce nouvelle à décrire : plus groffe que la Canne Pétière d’Europe, elle a ie plumage du cou par-devant, ainfi que la poitrine & le ventre, d’un gris bleu uniforme. Toute la partie fupérieure du corps, eft d’une teinte rouflâtre pointillée & ’.rayée d’une couleur prefqne noire; fon ramage imite affez-le cri du «Crapaud , mais il eft plus fort. Nous marchâmes ainfi pendant cinq heures par une chaleur exeeflive, qui nous força d’arrêter ; nous étions, il eft vrai, continuellement protégés .par des. arbres affez rapprochés ; mais les feuilles du Mimofa font fi petites & fi rares que fon ombre, qui ne noircît jamais la place qu’il occupe, doit être à peu’ près comptée pour rien ; nous n’en rencontrâmes aucun autre dans toute la plaine, & je remarquois que tes beaux arbres, comme au Pays d’Auteniquoi, éteàeht adoffésaux hautes montagnes qu’il falloir .aller chercher beaucoup plus foin; Je m’étoîs aperçu, chemin fcifant, que mon Singe fouvent au Mimofa; qu’il en détachoit des épines don. ces arboe* font garnis & les mafcgeoit avec plaifir ; je voulus partager enco ce régal avec lui. Je m’en fiois à fon goût. Les plus vertes de^ ces épines, les feules qu’on puiffe manger, longues a peu de deux à trois pouces, font eaffantes eommelesafperges, | e f ^ trompé dans mon attente ; je les trouva, d’abord- agréables^ fucrées, mais, le moment d’après, une- odeur d’a.l tnfupport b l. qui me brûloir la bouche & que le plus vigoureux Marfe.llo« n’auroit pas fupportée , me les fit rejeter ; leur grame a laquelW Keès fembloit donner Ta préférence, opéro.t le meme e S t fur mon palais. Cette odeur étoit fi forte & fi âpre que, de très-loin, les urines du Singe m’avertiffoient qu’il avoir mangé des épines du Mimofa. ■ , , , Je trouvai fur cet arbre une C h e n i l l e magnifique , & de la plus grande taille ; fon corps étoit entouré de bandes d’un nom de velours fur un beau fohd vert ; la Phalène quelle produit n’eft pas moins brillante; elle a les ailes prefqu’entièrement blanches avec quelques bandes & des taches brimes ; fon corps eft tellement velouté qu’il en paroît cotonneux ; j’ai eu plus d’une fois occafion de remarquer dans la fuite , que lorfque le Mimofa fleurit Çcfeft ordinairement aux approches de’ Janvier),Tes fleurs font couvertes de quantité d'infectes de différentes efpèces; auffi les Cantons ou croiffent ces arbres font-ils ceux où l’on rencontre en plus grande abondance une partie des différens individus qui compofent cette claffe de l’Hiftoire Naturelle, & , par une conféquencè néceflaire, infinité d’oifeaux attirés par ces mfeftes üne dont ils font leur pnncipale nourriture. , Je;profitai de.cette première halte, pour ecorcher lOutarde que i'avois tuée ; fa chair fervit à mon repas; ma fuite dîna des provifions que nous avions apportées ; mes Boeufs s’étoient fi bien régalés chemin faifant, qu’à peine arrivés , ils fe couchèrent, malgré la charge qu’ils portoient ; on ne les voyoït point dans rherbe tant ellé étoit haute & fournie. Dans Faprès-midi, le ciel s’obfcurcit ; nous fûmes affaillis par un orage affreux, accompagné


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