de l’humidité ; nous coulâmes des balles de calibre & de fa dragée; j emportai huit fufils, & laifTai les huit autres pour la défenfe d« camp ; j afiemblai différentes efpècés de verroteries & de quin- quailleries dont je fis des afforrimens féparés dans des fachets & des petites boîtes; ma canonnière; une couverture de laine, un gros manteau & quelques autres effets indifpenfables devoient nse fuivre; nous emportions pour la cuifine une feule marmite, line bouilloire, du thé , du fel, du lucre, &c. De leur côlé mes compagnons s’occupèrent à rouler leurs peaux, leurs nattes, leurs uftenfiles; ils n’avoient point oublié de me demander une bonne provifion de tabac & d’eau de vie. Ce remuement, cette agitation, les allées & les venues que nécelîitoient tous ces préparatifs, m’auroient offert un tableau piquant, fi j’avois eu refprit tram- quille, & que tout mon monde • eut voulu me fuivre; c’étoit, comme on le d it, le déménagement du Peintre ; d’un autre côté ' l’air étonné, contrit des poltrons qui reftoient, préfentoit un con- trafte fingtilier; les partans hauffoient la voix & les regardoient en pitié; on eût dit qu’ils ne fe connoiffoient plus ; qu’ils n’étoient plus de la même efpèce; ceux-là montroient affez toute l’inquiétude que leur caufoient ce départ, & le chagrin de ne me plus voir à leur tête ; ils auroient été charmés de connoîîre la durée de ce Voyage ; ce qui n’étoit pas plus en mon pouvoir qu’au leur. Nos emballages achevés , & n’ayant plus qu’à charger, nous fixâmes le départ au lendemain matin , 3 Novembre. Lorfque les feux du foir furent allumés, je ra’y plaçai à l’ordinaire avec tout mon monde , pour prendre le thé ; je faifis ce moment pour faire une douce exhortation à ceux que je laiffois dans mon camp ; je ne leur montrai plus aucun ligne de mécontentement; je feignis même d’approuver leurs raîfons, bien affuré que je ne changerons rieH aux réfolutioins de ceux qui partoient avec moi; quant aux nouvelles marques d’inquiétude qu’ils montroient pour ma perfonne, je leur dis que je de vois trop compter fur les Braves qui m accompagnoient pour n’être pas tranquille ; je leur recommandai la plus grande obéiffance aux ordres du fage Swanepoël» à qui je remettois toute mon autorité; je leur promis de récompenfer tous ceux “dont la conduite répondroit à la bonne opinion qu’ils m’avoient fait prendre jufqu’id ; enfin, pour ne leur laiffer aucun regret dans l’ame , & effacer jufqu’au fouvenir de tout défa- grément réciproque, je fis verfer une rafade générale: on but à notre Voyage , & chacun fe retira chez foi. Je ne pus fermer l’oeil ; de toure cette nuit; dès la pointe du jour je fonnai moi-même l’appel; tout le camp fut en l’air ; on chargea ; l’on emmaillota nos quatre Boeufs, Tandis qu’on déjeûnoit, je fis mettre à l’attache tous mes chiens; fans cette précaution la mente entière qui preffentoit le moment du départ , & qui s’en réjouiffoit, comme cela étoit arrivé toutes les fois que nous avions changé de campement, n’auroit pas manqué de prendre les devans , & de fe répandre dans la campagne. Je n’en emmenai que cinq avec moi» Avant de nous faire nos adieux , je pris Swanepôel à l’écart, & lui dis que, fi je ne voyois point de fûreté, ni de poffibilité de traverfer toute la Caffrerie , je fèrois infailliblement de retour fous quinze jours ; que, fi je ne l’étois pas après fix femaines bien.révolues; il pouvoit lever le camp, & fe rendre dans le Cam* ' debo fa patrie; que je le laiffois le maître de prendre cette route, même avant le terme écoulé , s’il voyoit le moindre rifque à courir en reliant dans l'endroit où je le laiffois, & que je laurois le joindre ; je le priois de veiller fur mes gens, fur mes chariots , fur mes Colleûions, en un mot , au premier lignai du danger, dé fonger à mettre tout à l’abri. Si , ne me voyant point revenir, ajoutai-je avec une émotion dont je ne pus me défendre en Ce ce moment, & que vous ayez fujet de défefpérer de mon fort, vous reprendrez la route du Cap avec tout mon monde » & remettrez tous mes effets à mon ami Moniteur Boers. Ce brave vieillard ne put entendre ces dernières paroles fans verfer des larmes ; fes fanglots le fuffbquoient ; je le’ raffûtai & lui promis de ne rien tenter que de raifonnable ; vainement auroit-i! cherché àme retenir plus long-temps; je me dérobai à fes fupplications affeélueufes,. & rejoignis mes Chevaux, mes Boeufs & mes Chiens, Déjà Reès avoit pris les devants : efeorté de mes huit homrags
27f 81
To see the actual publication please follow the link above