3o6 V O Y A G E qui s’étoient engagés à me fuivre, & je leur donnât quatre jours,, par ce moyen, ils avoient plus de temps qu’il n’en falloit pour mettre ordre à leurs affaires, & fe préparer des armes. Je ne pouvois emmener mes chariots avec moi, puifque je ne devois compter tout au plus que fur huit hommes pour m accompagner dans mon Voyage en Caffrerie ; il me falloit quelques Boeufs de charge ; je n’en avoit qu’itn feul qui fût accoutume a cet exercice ; nous arrangeâmes un échange, & je promis de 1 effectuer aüffitôt que je ferois de retour chez moi. Tout cela fut l’affaire <f(m moment; malgré les vives inftances du chef & de tous ceux de la Horde que je trouvai au Kraal, je réfolus de les quitter aüffitôt, & je prétextai mille affaires auprès des miens » je ne fais quelle triileffe s’étoit emparée de mon ame ; je ne revoyois point ce féjour du même oeil que par le paffé ; j étois contrarié de toutes manières. Les obilacles fembloient s accroître à chaque pas. Je me fentois épuifé de fatigues-.. . . Avant de quitter Haabas, je n’oubliai pas de lui demander des nouvelles de l’infortuné malade ; je ne voulus point le revoir ; on m affura que tous les foins qu’on lui avoit jufquà ce moment prodigués^ n’avoient abouti qu’a entretenir autour de lui la propreté, mais que fes douleurs n’avoient point diminué > & qd’enfin on défefpéroit de fa vie; je demandai des nouvelles de la jeune Narina;elle étoit âbfentë avec fa mère, je foupçonnois que quelqu’un de la Horde s’étoit- détaché pour aller la chercher; je n’en fus que plus empreffé de partir; jè 'faluaï Haabas , & je rejoignis mon camp. Dé retour dans ma tente , je fis approcher mes gens l’un après l’autre, & je voulus favoïi de leur propre bouche, les intentions de chacun » afin de découvrir s’il n y avoit point parmi eux quelques mutins qui foufflaffent la zizanie & Tefprit d’înforbordination; leurs réponfes furent uniformes; ils appuyoïent leur léfiftance de la feule frayeur où les jetbit ma témérité; quelqu’humeur que je refferttiffè de Cette défobéiffance, quelques- défagrémens qui duffent en être la iùitè , je n 'eiii pas même la force de les réprimander; trop de motifs combàttoient pour eux dans mon coeur, & je fentis que jè leur étois encore trop fortement attaché; nul autre deffeïn E N A F R 1 Q 'U E. ne les avoit féduits ; la peur avoit feule dérangé leurs tetes; ils ne vouloient point, difoient-ils , aller dans un Pays d’ou Ion n avoit, jamais vu revenir ni Blancs-ni Hottentots; je leur recommandai du moins de me relier fidèles, & qu’en mon abfence, ils n oubliaient point mes bontés & tout ce qu’ils devoient a leur maître. Je vis trop dans leurs geftes & leur contenance , tout ce que ces derniers mots faifoient d’impreflîon fur eux , & ce que j’aurois pu exiger de leur amour, fi j’avois renoncé à vouloir les contraindre à ce fatal Voyage ; je leur promis une égale affeûion pour la- venir, & je m’enfermai feul dans ma tente. Je m’occupai pendant une partie de la nuit, de mon plan & des moyens de l’exécutet le plus fagement & le plus promptement qu’il me feroit poffible; & , le lendemain, dès le matin , je fis appeler les Hottentots fur lefquels je comptois. Je leur répétai que j’étois, à la fin, refolu .de partir avec eux, s’ils étoient toujours réfolus de me fuivre;’ pour mieux écarter de leur efprit, toute efpèce de nuages, & leur prouver que je n’en agiffois point témérairement avec eux, je leur déclarai que je n’avois l’intention de pénétrer fort avant dans la Caffrerie, qu’autant que je ne rencontrerois point d’obftacles fur mes pas, & que je neprouverois nul mécontentement de leur part ; que, puifque nous ne devions pas efpérer,fur le rapport de mes Envoyés, de rencontrer aifément le Roi Pharoo, jétois davis d’aller Amplement vifiter les Caffres qui m’attendoient avec tant d’impatience, & de tourner à l’Eft pour nous rapprocher de la Mer où nous pourrions découvrir le vaiffeau naufragé; ils perfiilèrent tous dans la promeffe qu’ils m’avoient faite ; je m’adreffai enfoite à Swanepoël, & lui dis que je le regardois commme un autre moi-même, & lui confiois toute mon autorité pendant mon abfence; je le conjurai de veiller for mon camp, d y maintenir le bon ordre , puifqu’il ne m etoit plus permis de compter fur les autres. Mes trois Gonaquois arrivèrent à jour nommé ; dès-lors il ne fut plus queition que des préparatifs & des provifions neceffaires pour le Voyage ; j’emplis deux facs de peau de poudre à tirer ; ces Tacs furent enfermés dans un troifième, afin de les préferver Qq §
27f 81
To see the actual publication please follow the link above