point de- tuyau de fer, mais, comme il n’étoit ici queftion que d’urc modèle, j attachai au cuir de la charnière du mien le fond d’un étui a cure-dent dont je fciai le bout ; après quoi pofant mon chef-d oeuvre a plate-terre affez près du feu,, je .fichai avec force une croffette fur laquelle je pofai une traverfe ou efpèce de bafcule qui tenoit par une ficelle au-defïus de mon foufflet , fur lequel pefoit encore un faumon de plomb de 7 à 8 livres- que j’y avois fixé. Il faudroit avoir vu l’attention que prêtoienÇ-ces Caffres à toutes mes opérations , & l’incertitude, ou plutôt le défir où ils étoient, de favoir a quoi tout cela devoit aboutir, pour fe faire une jufte idée de leur furprife ; ils ne purent retenir leurs eris lorfquils me virent , avec quelques mouvemens faciles, d’une feule main donner tout d’un coup à leur feu la plus grande aéli- vité par la précipitation avec laquelle je faifois afpirer & rendre lair a ma machine. J effayai de jeter au feu quelques morceaux, de leur fer , & je parvins à rougir, en trois minutes , ce qu’ils n auroient certainement pas obtenu en une demi-heure. Cette fois, je portai leur étonnement au comble ; il tenoit, j’ofe le dire, de la eonvuliion, du delire;. ils iautoient autour du foufïlet, l’elTayoient tour-a-tour, frappoient des mains pour exprimer leur joie. Ils me fupplierent de leur faire préfent de cette machine mer— veilleufe y & fembloient attendre ma réponfe avec inquiétude „ n imaginant pas apparemment que je pu île me détacher fans peine- d,un meuble auiîi précieux. Je fer ois enchanté d’apprendre quelque jour qu ils font ufage de mon. foufflet, qu’ils l’ont perfeûionné, & fur-tout qu ils fe fouviennent de l’Etranger qui , le premier leur donna le plus effentiel inftrument de la métallurgie., L habitant de la Caffrerie vit fi familièrement au milieu de fes beftiaux , & leur parle avec tant de douceur; qu’ils obéïffent ponctuellement a fa voix ; comme ils ne font jamais tourmentés ni maltraites par leurs, conduûeurs, ces animaux pacifiques ne font jamais ufage des armes que leur a données la Nature; le maître, chargé- du foin de les inftruire & de les panfer, n'attache pas même les femelles pour les. traire ;, fi cependant le fentiment de la maternité: parle avec force a leur inflinû., & les engage à retenir leur lait pour leurs petits , le moyen dont fè fervent les Caffres pour les contraindre à le lâcher , eft plus fimple & moins dégoûtant que celui du Hottentot: on paffe une entrave à l’un des pieds de derrière de la bête ; un homme robuffë l’attire en s’éloignant ; gêhée par cette attitude, elle laiffe auffitôt couler fon lait; on emploie le même moyen lorfqu’une Vache' efl privée de fon Veau. Qu'a cette différence avec les Vaches d’Europe provienne de la nature, de l’efpèce ou du climat , il n’en eft pas moins vrai qu’elle' exifte , & que l’expédient dont je viens de parler eft néeeffaire & gértép ralement nfité par ces Sauvages. Gn reçoit le lait dans les paniefs- que j’ai dëcfifs, & qui font particulièrement l’ouvrage des femmes^ leur capacité dépend de Ik fantaifie; mais leur forme eft toujours la même; très-légers & ne rifquant jamais de fe rompre, ils font fans contredit préférables à nos vafes quelle qu’en foit la matière ; les femmes que j’avois alors dans mon camp , n’avoient point oublié leurs outils ; elles avoient apporté des joncs , pour ne pas refter oifives ; je m’amufois à voir fabriquer ces jolis paniers qu’elles s’empreffoient d’échanger avec moi contre de la quincaillerie , dès qu’elles y avoient mis la dernière main. Avant de faire couler le lait dans ces vafes , on avoit foin de les bien laver; mais c’étoit moins dans un efprit de propreté que dans le dëffein d’en refferrer la texture; car enfin, quelque prévenu que je fois pour les Sauvages, en faifant profeflion de tout dire, je ne dois pas me taire , même fur leurs défauts; avouons donc que les Caffres font dans l’ufage confiant d’échauder leurs uftenfiles avec leur propre urine & qu’ils ne fe donnent pas la peine d’aller chercher de l’eau, lorqu’ils n’en ont point à leur portée. Ce procédé qu’on mettoit en ufage fous mes yeux n’étoient guères ragoûtant; on avoit attention , tous les foirs , de m’apportet un panier de laitage, dont mes gens & mon Keès, moins difficiles que leur maître , trouvoient à faire leur profit. J’évitois cependant avec foin de laiffer voir âmes voifins la répugnance invincible que m’infpiroient leurs cadeaux journaliers ; & j’aurois préféré de m’effl- poifonner pour quelques momens | plutôt que de les affliger ou de
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