/ 2S4 V O Y A G E Les yeux méfians & jaloux de mes Hottentots ne perdoient rien de tout. ce qu’ils voyoient ; & comme fi. mes propres remarques n’euffent pas été fuffifantes » ils- venoient à tous momens y ajouter les leurs , & me faire quelque fcène nouvelle. Je péné- trois afiez leurs motifs ; de moment en moment je voyois un efprit de haine & de difcorde fermenter parmi eux ;. c’eft alors que, rejetant fur moi toute la faute, je me reprochai jüftement la caufe du refroidiflement fenfihle de mes gens, qu’avoit fait naître un peu trop de précipitation dans mes démarches, & regrettai de m’être mal à propos arrêté quelques, heures au Bruyn(jes-Hoogte, pour y folijciter les fecours des Colons affemblés qui, par leufs difeours „ avoient effrayé tout mon monde & troublé la bonne intelligence de ma caravane ;. tant il eff vrai que le fuccès en toute Eh treprife dépend du fecretl. Dans le moment aduel, je ne- voyois, rien- cependant qur dût fi fart alarmer mçm efprit; nous étions'trop fupérieurs à nos hôtes en armes, & ens. force, dans le cas,où. il auroit fallu recourir à la violence , le- dernier des moyens à employer avec dès Sauvages. Je ne, pouvois craindre, de leur part, aucune- furprife; l’emplar cernent que je .leur avois afîigné , fe trouvoit fituéde façon que la moindre tentative eût caufé leur perte.; mais je n’enredoüblois. pas- moins de précautions .& de févérité autant pour forcer mes gens, à continuer leurs devoirs, que pour ôter à mes hôtes toute idée d’attaque & la facilité de me tendre des pièges ;. fi j’excepte deux ChnffeUrs que j’envoyois, régulièrement, tous, les jours, à la ^pravifipn 8c quatre autres hommes qui gardoiént le trbupeau fur .les pâturages, le refle ne-s’éeartojt. point hors, de vue i mob-même,, je meitenois affiduemeu't au camp; je paffois des jpufnées entières au milieu des Caffres x converfant avec eu x , & me-faifant expliquer par l’interprète commun, leurs réponfes aux différentes quef- .fiçrns que -faifoit naître 'i-itotis momens le défit deLm’inftruire &: dé recevoir des détails ex ads fur: cette Nation ,. moins connue «hconefque celle des. H^ttentôtSi L’embarras &,le&-¡difficultés de la tradudiôn abforboient à la vérité beaucoup de-temps ; les co»~ aoiffances dé chaque jour arrivoient lentement, & la ibmme n’oas E N A F R Î Q V E. étoit pas bien volnmiueufe ; j’employai à ces conventions pénibles une femaine entière; & , ne voyant enfin que franchife & bonhomie de part & d’autre, convaincu qu’ils agiffoient naturelle ment & fans détours avec moi, je me gênai beaucoup moins; je diminuai quelque chofe de ma réferve, & forçai tout mon monde à fe mettre à fon aife avec eux. Bientôt auffi plus d’habitude de leur langage rendit nos entretiens, plus intéreffans ; je commençois à me faire comprendre, & je les entendois mieux encore. Us ne ceffoient de me conjurer de les fnivre dans leur Pays ; ils te venoient continuellement à la charge fur ce point; vingt fois on m’avoit répété tout ce que m’avoit appris d’engageant mon interprète à fon arrivée ; je n’étois que trop empreffé de me rendre à ces invitations féduifantes; mais mon intention n’avoit jamais été dé partir avec eux; on en verra bientôt la raifon; je mexeufai en leur difant qu’il ne m’étoit pas polïible de me mettre en marche auflitôt qu’ils paroiffoient le délirer; puis, les examinant tous avec beaucoup d’attention , j, ajoutai que ne connoiffant point leur Pays par moi-même „ on m’avoit informé qu’il étoit rempli de montagnes & de bois difficiles'à traverfer; qu’ainfi je ne conduirois point mes voitures. & mes Boeufs, avec moi; cette déclaration ne parut pas les affecter ; & , par le plaifir que leur fit ma parole engagée d’aller les voir bientôt, je pus juger qu’ils ne comptoient pas infiniment fut mes groffes tarrières , & fur le fer de mes roues. Mais, à mefure que je les comblois d’amitié & de promeffes, je voyois la vengeance éclater dans leurs regards & qu’ils fondoienf fur moi leur unique faim ; ils fe parloient, fe preffoient les uns fur les autres & me montroient affez par leurs geftes, la haute opinion qu’ils avoient conçue de mes forces & de mon empreffe- ment à les fervir ; le nom du féroce habitant de Bruyntjes- Hoogte étoit fans ceffe à leur bouche ; l’un des ces Caffres fe frappoit la tête de défefpoir & de rage , en me racontant qu’en- tr’autres vidimas, fa femme enceinte & deux enfans avoient été égorgés de la propre main de ce Golon , & que la foif du fang portoit ce tigre au crime, pour le plaifir fettl d e le commettre^
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