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le camp ; je leur recommandai d’examiner , après cela , fans fe découvrir, ces Etrangers qui , s'ils étoient en aufli grand nombre qu’on vouloit me le perfuader, devoient en effet me devenir fufpeéts ; de les épier, & de juger par leurs démarches quelle pou- voit être leur intention ; j’avois en outre expreffément recommandé à Klàas, dans le cas où il reconnoîtroit mes Envoyés, de me le faire entendre aulîitôt par une décharge de fes fufiliers; mais au contraire de ne fe pas montrer, fi la troupe étoit de Caffres, de fe mettre en embufcade , & de me dépêcher un de fes gens. Comme il partoit , arriva le troupeau que ramenoient précipitamment au logis les trois autres gardiens qui, comme leurs camarades, avoient pris l’épouvante. De mon cô té , je paffai en revue toutes nos armes & les fis charger; mon intention n’étoit pas de commencer moi-même les premiers ailes d’hoftilité ; mais, déterminé à attendre l’ennemi de pied-ferme , je l’étois encore à-Je repouffer de tout mon pouvoir , & je devois m’y préparer. J’avoue que je n’étois pas tranquille , non que je craigniffe l'événement d’un combat; mes armes me donnôient trop de confiance dans ma fupériorité! mais j’euffe été défefpéré de me voir contraint à en venir aux mains avant de m’être expliqué. Par-là-, je ruinois toutes mes efpérances ; les intentions pacifiques que j’avoîs annoncées, & qui pouvoient feules me mériter la faveur de parcourir, en liberté, toute la Caffrerie , fe trouvant démenties par ces ailes hoftiles , je rentrois dans la elaffe des Colons, ces vils affaflins des Sauvages, & n’allois plus être regardé que comme un ennemi de plus dont il falloit exterminer toute la caravane. Tout en faifant mes préparatifs, une foule de réflexions contraires s’entrechoquoient dansj mon efprit; j’en fus tout d’un coup diftrait par une décharge qui fut pour tout mon camp un lignai de joie; d’après la eonfigne que j’avois donnée à Klaas , il n’étoit pas douteux qu’il n’eût reconnu mes^gens. Cependant un refte de frayeur inquiétoit encore mon monde ; & j’eus toutes les peines imaginables à les raffurer entièrement ; les trois gardiens de mes troupeaux fur-tout affirmoient que, dans ü troupe des Caffres» ils n’avoient pas aperçu un feul Hottentot; e eft ainli que, paffant tout à coup de l’efpoir à la crainte, ils répandoient à préfent que les coups de fufil qu’on venoit-d’entendre , n’anonçoient que trop une aâion , & que Klaas étoit aux prifes avec l’Ennemi. Mais , à deux ou trois cents pas de nous, au détour dune petite colline, je vis débouquer Klaaslui-meme; il etoit feul. Je diflinguai facilement à l’aide de ma lunette, & fon maintien tranquille, & juf- qu’aux traits de fon vifage ; il ne paroiffoit avoir rien d effrayant à nous annoncer; j’en fus convaincu lorfque j eus aperçu, quelques minutes après , toute la troupe quidéfilant par le même chemin , s’avançoit paifiblement & en bon ordre vers notre camp. Mes Hottentots, mêlés parmi les Caffres, annonçoient la bonne intelligence; je reconnus Hans; ils approchoient de plus en plus. Je fis mettre bas les armes, & recommandai a tout mon monde de mon-: trer un front calme & ferein. Cpmbien j’étois impatient de recevoir ces députés , & d apprendre de leurs propres bouches ce que je pouvois ofer fans péril pour eux & pour moi; cependant je ne voulus point aller à leur rencontre , ni quitter mon petit arfenal, que je neuffe entendu ces Voyageurs. Lorfque les Caffres fe virent à portée de la fagaye , ils s’arrêtèrent tous ; & Hans, fe détachant de la troupe, vint droit à moi ; il m’apprit en quatre mots que j etois libre de voyager dans la Caffrerie ; que je n’avois aucun rifque a courir ; que j’y ferois retpccté comme un ami; que la Nation quil quittoit, ne pouvoit trop m’inviter à ne pas différer plus long-temps , & qu’elle me verroit avec plaifir; que je pouvois juger de l’intention générale , q>ar la confiance qu’ils me témoignoient eux-mêmes & la liberté qu’avoient prife plufieurs d’entr’eux de venir me vifiter; qu’ils m’offroient toute leur amitié , & me demandoient la mienne ; qu’en un mot ils s’étoient mis en route dans l’affurance qu’on leur avoit donnée que je les recevrois bien. Quant au retard qui nous avoit caufé tant d’alarmes, Hans m’apprenoit qu’arrivé chez les Caffres , il n’avoit pu rencontrer le Roi Pharoo, qui s’ étoit retiré à trente lieues plus loin de l’endroit de fa réfidence 5 qu’après s’être arrêté quelque tejnps, dans


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