pas en donner à ceux qui m’entouroienf ; c'eût été leur fournir des armes contre mes projets; on ne voyoit pas fans chagrin ma réfolution déterminée de pénétrer plus avant dans la Caffrerie ; je furprenois quelquefois mes gens s’entrenant fur cet article & murmurant plus ou moins contre leur maître; cependant ils m’étoient dans le fond toujours attachés ; & , dans leurs difcours, j’étois le principal objet de leurs agitations & de leurs craintes ; ils ne balan- çoient point à me regarder comme un téméraire, qui, fe fouciant apparemment fort peu de la v ie , vouloit ebftinément leur faire partager le. plus trifte fort en les conduifant à la boucherie; je de vols trop preffentir qu’ils étoient tous d’accord pour me quitter, fi je perfiftois dans mes réfoltitions; je ne les jugeois embarraffés que dans la manière dont ils exécuteroient ce complot ; & fur vingt-cinq de ces conjurés, j’avois découvert qu’il n’y avoit pas deux avis femblables ; ceux que javois attachés à mon fervice durant la route, ne voyoient point à ce départ furtif de grandes difficultés; mais ceux que j’avois engagés cher le Commandant Mulder au Pays d’Auteniqua & plus encore au Cap fous les aufpices- du Fifcal, étoient dans le doute de favoir s’ils retourneroient ou ne retourneroient point à la Ville ; en un mot, ils ne pouvoient s’accorder ni prendre aucun parti. Cependant ils m’accufoient d’avoir facrifié mes Envoyés; à là vérité ce retard me paroiffoit extraordinaire ; d’après ce qui m’avoit été dit par Hans, il ne leur avoit fallu que trois -ou quatre jours tout au plus ,. pour fe rendre cher le Roi Pharoo; en fuppofant un pareil nombre pour y relier, & autant pour revenir, je trouvois , par un calcul fimple, qu’ils avoient employé plus que le double du temps néceffaire à ce voyage; il falloit donc que quelqu’acci- dentles eût retardés, ou qu’ en effet les foupçons des Caffres euffent été funeftes à ces malheureux ? Je ne perdois pas encore toute efpé- rance de les revoir ; j’allois, flottant dans une mer d’incertitudes & ne fâvois à quelle idée m’arrêter, ni quels ordres donner au refte de ma troupe pour mettre fin à leurs débats ainfi qu’à leur inquiétude» Mon brave Klaas étoit d’avis d’attendre encore, & de laiffer partir ceux des rébelles qui montroient-le plus d’impatience & d’humeur. ■Quoiqu’il en foit, j’affeâois un air tranquille, & continuois de chaffer à l’ordinaire ; mais une pente fecrette me conduifoit machi- fnalement du côté par où j’efpérois de voir arriver mes députés; %e foir, défolé de n’avoir rien vu paroître , je regagnois mon gîte pour recommencer le lendemain la même promenade inutile & fi trifle. C’efl ainfi que nous abufe l’imagination , dans l’attente d’un objet ardemment défiré. Enfin Klaas, un foir, vint s’enfermer avec moi dans ma tente; & mettre le comble à mes chagrins,, en me témoignant qu’il per- doit. tout efpoir & qu’infailliblement Hans & fes camarades étoient affaffinés; que les fufils , les munitions & les armes dont ils s’étoient chargés avoient tenté les Caffres ; qu’il n’en falloit pas d’avantage pour que cette Nation, aâuellement en guerre, & manquant de toute efpèce de défenfe, & fur-tout de fer, fe fût, fur le champ déterminée à commettre ces meurtres , pour fe procurer les dépouilles de ces malheureux; qu’il me eonfeilloit de ne pas laffer plus long temps le refte de ma troupe, puifque , fans leurs fecours, nous nous, verrions hors d’état d’avancer ni de revenir. Je ne fentis que trop toute la force de ce raifonnement dicté par le plus vif intérêt pour ma perfonne,& la fûreté de mes effets que j’auroîs été contraint de laiffer à l’abandon faute de bras & de fecours. J’allois peut-être me laiffer entraîner ; & renoncer à mon engagement facré de ne point quitter Kocs-Kraal, l’unique rendez-vous où ces généreux Envoyés puffent rejoindre leur maître, lorfque nous vîmes de loin un des quatre gardiens qui furveilloient mes Beftiaux, accourir vers mon camp, effrayé & hors d'haleine. Il m’apprit qu’on venoit d’apercevoir, de l’autre côté’de la rivière, une troupe confidérable de Caffres qui fe difpofoient à la traver- fer ; cette nouvelle effraya d’abord tout mon monde; la confterna- tion fe lifoit fur toutes les figures; moi feul, toujours bercé de l’efpoir chimérique de revoir mes gens, ma première penfée fe tourna vers eux ; mais ce grand nombre qu’on venoit de m’annoncer ne cadroît guères avec ces préfomptions flatteufes, & , détruifoit toute l’illufion ; je dépêchai d’abord quatre fufiliers fous les ordres de Klaas, pour aller chercher & faire rentrer tous mes Boeufs dans Mm ij
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