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s’inftruire en les écoutant. Il falloit parler d’après fa propre expérience & ne rien dire de plus que ce qu’on avoit vu. C’eit alors, par exemple, que, dans l’ouvrage du Dodteur Sparmann, très- eftimable à plus d’un égard, les obfervations intéreffantes & qu’il a bien décrites , ne fe trouveroient point noyées dans un déluge de récits très-apocryphes de chaffes, de Lions, d’Eléphans, &c. plus invraifemblables & mal-adroits les uns que les autres; c’eft alors en un mot qu’il n’eût point parlé de la Licorne peut-être deilinée par Un Colon fur on-ne fait quelle roche inhabitée ,& qu’il fe fût auffi gardé de fubftituer la forme carrée à la forme ronde des huttes de la Caffrerde, qu’il n’a jamais vifitée. Je dois convenir , en faveur de ce Savant, que fa candeur & fa probité lui préfen- toient toutes ces chofes comme inconteftables, du moment qu’elles lui étoient certifiées par un Colon ; Jan-Kock particulièrement, qu’il annonce comme L’obfervateur le plus habile & le plus judicieux qu’il ait connu, ne s’attendoit pas fans doute aux éloges outrés qu’il lui prodigue à la face d’une Colonie , d’une Ville entière qui les réprouve, Se ne balance pas, pour ces erreurs feulement , à ranger auprès^ de Kolbe un livre utile, à: plus d’un titre, fi l’Auteur avoit fu le réduire aux matières qui lui étoient plus familières. Je rends hommage à la Vérité, quand je la trouve dans le Doâeur Sparmann, & rejette fur fon obfervateur les menfonges qui me révoltent. Mais , quand l’un ou l’autre m’affure « qu’il n’a jamais »-vu les Sauvages s’effuyer,. nettoyer leur peau; que, pour fe » détacher les mains, il les frottent avec de la bouze de Vache; » qu’ils s’en frottent auffi les bras jufqu’aux épaules ; que cette- »■ onâion, qui ffeft pas néceffaire, eft de pur ornement; qu’ainfi » la pouffière & les ordures, fe mêlant à leur onguent de fuie & » à là fueur de leurs corps, s’attachent à leur peau, la corrodent »; continuellement, &c. » & que M.. Sparmann vient enfuite con- feffer qu’il n’a jamais vivces Sauvages s’effuyer, nettoyer leur peau , je trouve cette façon de rationner fort légère , & cette logique très-inexafte ; car, fi j’atteflois à mon tour que je n’ai jamais remarqué que la bouze de Vache fût un pur ornement pour le Hottentot, que je n’ai point vu leur peau fe corroder par la fueur, les onguents Si les ordures; cette affertion négative ne perfuaderoit perfonne, 8e n’éclairciroit pas la queftion. On ne contefte point à ces Sauvages une qualité qu’ils poffèdent tous fans exception , 'hommes , femmes, enfans ; c’eft d être les nageurs & les plongeurs les plus adroits qu’on connoiffe. Que doit- on conclure de ce que j’ai rapporté des femmes que je furpris nageant & plongeant comme des poiffons, fi non que cet ufage qu’ils obfervent plufieurs fois dans le jour, les conduit néceflaire- ment à un genre de propreté qui laiffe peu de pouvoir aux onguents,, ainfi qu’à la pouffière, de corroder & de gâter la peau. Les foins & l’exaftitude affidus des Gonaquois pour leur toilette, prouvent affez qu’ils aiment la propreté ; tout ce qu’on peut dire , c’eft quelle eft mal-entendüe; encore, pour aller jufques là , feroit- il néceffaire d’expliquer s’ils ne font pas contraints à fe Boughouer ainfi, foit par la température du climat, foit par le défaut des reffources que la Nature ne leur a point indiquées; leurs habilte- mens’, à la vérité, ne font que des dépouilles d’animaux-privés ou. fauvages; mais, comme je l’ai fifit voir, ils ne négligent pas , ainfi qu’on a voulu le faire accroire , le foin de lés purger & de lès apprêter avant de s’en faire des vêtemens. Le Hottentot n’eft ni pauvre ni miférable; il n’eft pas pauvre, parce que, fes défirs ne paffant point fes connoiffances qui font ttès-bornées, il ne fent jamais l’aiguillon de la néceffité ; la1 mifère eft un point de comparaifon qu’il ne conçoit pas; une parfaite uniformité & les mêmes reffources rendant le fort de tous parfaitement égal, quand l’abondance règne, ils font tous heureux ; dans la difette, ils ont tous des privations ;. l’oppofition révoltante dé là richeffe portée fur un char d’o r, & de la misère qui traîne fes haillons dans la boue , ne fauroit affliger fon coeur; ceft une idée qu’il ne comprend- pas ; le fpeâacle de l’indigence aux abois, ce flipplice des ames compatiffantes, ne fe reproduit point à fes yeux fous mille formes lugubres ; e’eft une mortification que l’homme fauvage n’effuye jamais ; fi l’homme focial s’y habitue avec le temps , s'il parvient à ce degré d’endurciffement qui lui fait traiter d opti- mifine cette inégalité des conditions fi-révoltante & fi défaftreufe ,


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