par-tout où il nous a plu de nous établir, nous avons réduit ces malheureux perfécutés à l’efclav-age, à la fuite ; nous nous fommes approprié, fans fcrupule, tout ce que nous avons trouvé à notre bienféance ; & quand l’heure de la vengeance a fonné pour eux, & qu’ils ont mefuré leurs coups à la grandeur de nos torts , fans retour fur nous-mêmes, trop aveuglés par 1 intérêt ou le fana- tifme , nous avons ofé les nommer des barbares, des antropopha- ges, des bêtes féroces nourries de meurtres, altérées de fang. A quelle imprudence ne faut-il pas attribuer la mort du célèbre navigateur Cook ; j’aime à croire que le fentiment de fa. force & fon caraâère entreprenant, altier, ne le portèrent jamais aux excès coupables dont il périt à fon tour la viftime ; mais le défir ardent de fe venger de l’équipage indifcipliné qui marchoit a fa fuite, arma contre lui les infulaires. Ses Matelots épioient les femmes-, ofoient s’en emparer en tous lieux, en toute occaiion c en étoit trop pour garder plus long-temps le iilence ; rien n eft capable d’arrêter ces Sauvages outragés ; a travers la fumée des canons , au milieu du bruit de fon artillerie menaçante , le Chef eft reconnu; on s’en empare; il eft maflacré à la vue même de fes Soldats pour n’avoir pas fu réprimer a temps leurs defordres. Le premier fentiment qu’on doive infpirer aux Sauvages, quand on veut voyager chez eux , c’eft la confiance pour gagner la leur, il faut être humain , bienfaifant, n’abufer jamais de leur foi- bleffe, ne leur infpirer aucune crainte & n’en pas prendre à leur afpeû ; ils accordent tou t, lorfqu’on n’exige rien. Il faut être affez sûr de fes paffions pour garder la plus févère continence & ne pas convoiter leurs femmes. S’ils font jaloux , vous avez en eux des ennemis implacables ; s’ils ne le font pas, leur complaifance a Votre égard les met trop de niveau, & l’on perd à leurs yeux l’utile fupériorité qui les avoir éblouis ; quand cette paffion ne feroit pas générale, il eft toujours quelques individus, qu’elle tourmente, & l’on obferve avec raifon que les Nations qui y font le moins fujettes, ont aulîi les moeurs plus diffolues & s’éloignent davantage de la Nature. Pour fe faire connoître avantageufement des Sauvages, il faut que la fupériorité du côté de la force foit toujours la dernière des facultés par lefquels on fe fafie valoir, parce qu’il n’eft pas naturel de fe défier de ceux qu’on ne craint pas ; tout en prenant des précautions , on doit conferver un air calme & ferein, ne faire connoître & n’employer des armes, lorfqu’on voyage chez eux, que pour leur rendre des fervices , foit en leur procurant du gibier, foit en les aidant à détruire les bêtes féroces ennemies de leurs troupeaux. On peut, après, quitter une Horde en toute fécurité, certain de n’y laiffer que des regrets, & que la reconnoiffance vous rappellera fans cèffe à fon fouvenir. Plufieurs d’entr’eux ne pourront fe réfoudre à fe féparer de vous ; ils fe détacheront pour vous accompagner & vous conduire vers une autre Horde, chez laquelle fur les témoignages avantageux de vos guides, vous êtes affûré de trouver le même amour, le même empreffement, les mêmes fêtes & tous les foins de la confiante hofpitaljté. Ç’eft avec ces principes de paix fi conformes à mon humeur, que j'ai traverfé une petite partie d’une immenfe portion de la terre , & que j’aurpis parcouru l’Afrique entière fans des obftaeles iijfurmontables que tout mon zèle n’a pu franchir, & dont il eft inutile ici de rendre compte. Ç’eft encore d’après ces maximes que j’ai de plus en plus fenti qu’on ne peut affocier perfpnne à ces entreprifes, fans courir le rifque de les voir avorter. J’étois fur de ma façon d’envifager les dangers & les moyens d’y remédier ; entouré de monde & d’amis égaux en pouvoir, je n’aurois pas dû me flatter, dans des fituations épineufes, de leur faire embraffer mon avis> la fottife d’un fenl pouvoit caufer la perte de tous; en me trompant, je n’avois à me reprocher que la mienne. On repréfetjte les Hottentots comme une Nation miférable & pauvre, fuperftitieufe & féroce, indolente & mal-propre à l’excès; enfin on la ravale de toutes les manières. Quand il y auroit dans ces affertions légères, un affertion qui approchât de la Vérité, il valoit mieux, pour en fupprimer l’exagération outrée , s’en tenir Amplement aux contes déjà fi abfurdes de ces ennuyeux Colons , qui fe plaifent à tromper un Etranger, par cela feul qu’il efpère Kki j
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