temps , en s’écriant « Ho ! que celle-là eft charmante ! . î . recom- » mence là»! Jean recommençoit; mais ce n’étoit plus la même; car, comme je le dii'ois, on ne peut fuivre aucun air fur cet inftrument dont tous les tons ne font dus qu’au hafard & à la qualité de la plume. Les meilleures font celles qu’on tire de l’aile d’une efpèce d’Outarde; quand if m’arrivoit d’abattre un de ces animaux, j’étois toujours follicité à faire uti petit facrifice pour l’entretien de notre Orcheftre. Le Goura change de nom quand il eft joué par une femme, uniquement parce qu’elle change la manière de s’en fervir ; il fe transforme en Joum-Joum; aflife à terre, elle le place perpendiculairement devant e lle, de la même façon qu’on tient les Harpes en Europe ; elle l’aflujétit par le bas en paflant un pied entre l’arc & la corde , ' obfervant de ne point la toucher; la main gauche tient l’arc par le milieu ; & , tandis que la bouche fouffle fur la plume, de l’autre main, la muficienne frappe la corde en différens endroits avec une petite baguette de cinq ou lix pouces; ce qui opère quelque variété dans la modulation ; mais il faut approcher l’oreille pour faiiir diftinclement la dégradation des fons. Au refte cette manière de tenir l’inftrument m’a frappé ; elle prete des grâces à la Hottentote qui en joue. Le Rabouquin eft une planche triangulaire , fur laquelle font attachées trois cordes de boyau foutenues par un chevalet qui fe tendent à volonté , par le moyen de chevilles , comme nds inftrumens Européens ; ce n’eft1 autre chofe qu’une Gûi'tarë â trois cordes ; tout autre qu’un Hottentot en tireroit peut-être quelque parti, & le rendroit agréable ; mais celui-ci fe conténte dé'lè"'pincer avec fes doigts, & le fait fans fùifé, fans art & rifêtriè!faits intention. Le Romelpot eft le plus bruyant de tous les inftrumens de ces Sauvages ; c’eft un tronc d’arbre creufé qui porte deiix ou trois pieds , plus ou moins, de hauteur; à l’un des bouts, on a tendü une peau de Mouton bien tanée, qu’on frappe avec! les mains , ou pour parler plus clairement , avec lés poings", quelquefois même avec un bâton ; cet inftrument qui fe fait entendre ■ ¡Te fort loin , loin , n’eft pas a coup fûr un cjief-d’oeuvre d’invention ; mais , dans quelque Pays que ce fo it, c’eft affez la méthode de remplacer par du bruit ce qu’on ne peut obtenir du goût. Peut-être me fuis-je un peu trop appefanti fur la defcription des danfes & des divers inftrumens des Hottentots; ceux-ci, comme on le voit, ne font pas bien curieux; mais ce détail, qui tient par quelque côté aux moeurs dés Sauvages, ne méritoit pas non plus d’être entièrement négligé. Tout près de la Nature & fous fa garde immédiate, le Sauvage n’a nul befoin de nos orcheftres bruyans & bien harmonieux pour s’exciter, dans fes fêtes, aux vives démonftrations du plaifir & de la joie; la modulation bornée & monotone de fa mufique lui fuffit,' & je crois même qu’il s’en pafferoit volontiers, & ne fauteroit pas moins bien. Dans fon Choix de lectures Géographiques, un de nos Auteurs modernes , qui s’eft fait une loi d’étudier les hommes en même temps qu’il décrivoit les lieux, obferve avec beaucoup de fagacité » que, » dans un Etat policé, la danfe & le chant font deux arts ; mais » qu’au fond des forêts ce font prefque des lignes naturels de la » concorde, de l’amitié , de la tendrefle & du plaifir; nous appre- »> nons, fous des maîtres, ajoute ce Savant, à déployer notre voix, » à mouvoir nos membres en cadence ; le Sauvage n’a d’autre » maître que fa paffion , fon coeur & la Nature ; ce qu’il fent, » nous le limitions: aufii le Sauvage qui chante ou qui danfe, eft-il » toujours heureux ». J ai fait remarquer que les Hottentots ne s’afTemblent guères que la nuit pour fe divertir ; les occupations journalières ne leur laiffent point d autre temps. Chacun a fes devoirs à remplir. Il faut furveiller fans ceffe les troupeaux épars dans les champs , non-feulement pour empêcher qu’ils ne s’égarent, mais pour les garantir de l’atteinte des animaux carnaffiers qui les épient continuellement ; il faut les panfer & les traire deux fois par jour; il faut travailler aux nattes, amaffer le bois fec pour les feux du foir; il faut pourvoir a fa fubfiftance, & chercher des racines ; ces dernières occupations appartiennent particulièrement aux femmes ; les hommes, de leur Tome II , 1 1
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