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les langues d’un Pays, un Voyageur en retient malles expreflions, les ortographie plus mal encore, & fait un nom Sauvage avec un barbarifme. Les moeurs & tout ce qui concerne les divers peuples étrangers ne feront jamais exactement décrits li l’on n’en parle les divers langages. Si, par exemple, les Auteurs qui ont avancé que les Hottentots adorent la Lune , avoient compris le fens des paroles qu’ils chantent à fa clarté , ils auroient fenti qu’il n’eft queftion ni d’hommages, ni de prières, ni d’invocations à cet aftre pailible; ils auroient reconnu que le fujet de ces chants étoit toujours une aventure arrivée à quelqu’un d’entr’eux ou de la Horde voifine, & qu’autant improvifateurs que les Nègres, ils peuvent chanter toute une nuit fur le même fujet en répétant mille fois les mêmes mots. Ils préfèrent la nuit au jour, parce qu’elle eft plus fraîche, & qu’elle invite à la danfe, aux plaifirs. Lorfqu’ils veulent fe livrer à cet exercice, ils forment, en fe tenant par la main , un cercle plus ou moins grand, en proportion du nombre des danfeurs & des danfeufes toujours fymétriquement mêlés. Cette chaîne fe fait & tournoie de côtés & d’autres. Elle fe quitte par intervalles pour marquer la mefure; de temps en temps chacun frappe des mains fans rompre pour cela la cadence ; les voix fe réunifient aux inftrumens, & chantent continuellement HOO H o o ! C’efl le refrain général. Quelquefois un des danfeurs quittant le cercle, paflfe au centre ; là , il forme à lui feul une efpèce de pas Anglois, dont tout le mérite & la beauté confiftent à l’exécuter avec autant de viteffe que de précilion, fans bouger de la place où fon pied s’eft pofé; enfuite on les voit tous fe quitter les mains, fe fuivre nonchalament lçs uns après les autres affeâant un air trille & eonfterné, la tête penchée fur l’épaule, les yeux bailles vers la terre qu’ils fixent attentivement ; le moment qui fuit, voit naître les démonftrations de la joie, de la gaîté la plus folle ; ce contrafle les enchante, quand il ell bien rendu. Tout cela n’ell au fond qu’un affemblage alternatif de pantomimes irès-bouffones & très-amufantes. Il faut obferver que les danfeurs font entendre fans ce£fe un bourdonnement fourd & monotone, qui n’ell interrompu que lorfqu’ils fe réunifient aux fpeâateurs pour chanter en chorus le merveilleux HOO ! HOO! qui paroît être l’ame & le point d’orgue de ce magnifique charivari. On finit allez ordinairement par un ballet général; c’ell à dire que le cercle fe rompt, & qu’on danfe pêle-mêle comme chacun l’entend; on voit,alors l’adrefle & la force briller dans tout leur jour. Les beaux danfeurs répètent, à l’envi l’un de l’autre, ces fauts périlleux & ces gar- gouillades qui, dans nos grandes Académies de mulique excitent des Ha Ha tout aufli bien mérités & fentis que les Ho Ho d’Afrique. Les inftrumens qui brillent là par excellence, font le Goura, le Joum-Joum, le Rabouquin & le Romelpot. Le Goura a la forme d’un arc de'Hottentot Sauvage. Il eft de la même grandeur ; on attache une corde de boyau à l'une de fes extrémités, & l’autre bout de la corde s’arrête par un noeud dans un tuyau de plume aplatie & fendue. Cette plume déployée forme un. triangle ifocèle très-alongé, qui peut avoir environ deux pouces de longueur ; c’eft à la bafe de ce triangle qu’eft percé le trou qui retient la corde ; & la pointe, fe repliant fur elle - même g s’attache avec une courroie fort mince à l’autre bout de l’arc ; cette corde peut être plus ou moins tendue félon la volonté du muficien; lprfque plusieurs Gouras jouent enfemble, ils ne font jamais montés à l’uniflon ; tel eft ce premier inftrument qu’on ne foupçonneroit point ¡être- un inftrument à vent, quoiqu’il ne foit certainement que pelafl On,peut en voir la figure, dans la planche VII, à côté de,la[Hottentote. On le tient à peu près comme le cor de chafle; le bout'de l’arc où fe trouve la plume eft à la portée de la bou- jçhe;du joyetir ; il l’appuie fur- cette, plume & , foit ep afpirant, foit en expirant, il en tire des fons allez mélodieux ; mais les Sauvages qui réufliflent le mieux, ne favent y jouer aucun air; ils ne font entendré que des fons flüttés ou lourrés, tels que ceux qu’ou ¡tire., d’une certaine manière, du violon & du violencelle. Je prenois plaifir à voir l’un de mes compagnons nommé Jean, qui paffoit pour un yirtuofe, régaler pendant des heures entières fes camarqdes q u i, tranfportés,' ravis, l’interrompoient de temps en


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