244 V O Y A G E nul moyen de les appaifer, fi ce n’eft la plus prompte fuite, ne peuvent être le creufet pour les éprouver , ni la règle de les juger. On ne donnera pas , je l’efpère , pour un quatrième exemple de leur barbarie, ces émigrations indifpenfables auxquelles les affujétit la différence des faifons; une féchereffe extraordinaire a tari les fources & les lagunes qui les environnoient ; un Soleil dévorant a brûlé tous les pâturages ; une épizootie fe déclare dans les environs ; l’une ou l’autre de ces caufes les force à changer de demeure; mais cette tranflation néceffaire fe fait toujours tranquillement, fans confufion, quoiqu’avec promptitude ; on éloigne d’abord les troupeaux ; on place les vieillards & les impotens fur des Boeufs ; on ne laiffe perfonne derrière foi ; tous les effets précieux- font en avant ; & tous enfemble , voyageant paifiblement, vont planter le piquet, & s’établir dans le premier endroit qui convient â leur manière de vivre , ainfi qu’à leurs befoins. J’ai fouvent rencontré des Hordes qui avoient été obligées de s’expatrier pour quelqu’un de ces motifs; les vieillards, les malades, tout étoit de la partie; combien de fois avec quelques bouts de tabac , mieux encore quelques verres de liqueur, qui ranimoient & faifoient fourire ces pauvres gens , n’ai-je pas eu la fatisfaélion de voir couler les larmes de l'a reconnoiffance ; & lorfque me féparant d’eux & reprenant ma route , j’arrivois le jour même ou le lendemain fur la place qu’ils avoient abandonnée, j’avois beau examiner ces lieux & fureter dans tous les environs, je ne trouvois nulle trace de l’infenfibilité dont on les accufe ; toutes les huttes étoient enlevées ; les effets, les animaux domeftiques, tout avoit fuivi. Les enfans, ou à leur défaut, les plus proches parens d’un mort, s’emparent de ce qu’il laiffe ; mais la qualité de chef n’eft point héréditaire. Il eft toujours nommé par la Horde ; fon pouvoir eft bien limité. Maître de faire le bien qu’il veu t, il ne l’eft en aucun cas de faire le mal; il ne porte aucune marque extérieure de diftinétion ; il n’eft pas plus privilégié que les antres, fi l’on excepte toutefois l’ufage d’aller à fon tour garder les beftiaux qui font en campagne; dans les confeils fon avis prévaut, s’il eft jugé bon; autrement on n’y a nul égard. Quand il s’agit d’aller au combat, on ne connoît ni grade ni divifions, ni Généraux ni Capitaines; tous font Soldats ou Colonels. Chacun attaque ou fe défend à fa guife ; les plus hardis marchent à la tête ; & , lorfque la vidoire fe déclare, on n’accorde pas à un feul homme l’honeur d’une adion que le courage de tous a fait réuflir ; c’eft la Nation entière qui triomphe. De toutes les Nations que j’ai vues jufqu’ici, la Gonaquoife eft la feule qu’on puiffe regarder comme libre ; bientôt peut-être ces peuples feront obligés de s’éloigner ou de recevoir les loix du Gouvernement. Toutes les terres de l’Eft. étant généralement bonnes, les Colonies cherchent à s’étendre de ce coté, le plus quelles peuvent; leur avarice y réuflîra fans doute un jour. Malheur alors a ces peuplades fortunées & tranquilles ! les invafions & les maffacres détruiront jufqu’aux traces de la liberté. Ceft ainfi qu ont été traitées toutes ces Hordes dont parlent les Auteurs anciens & qui, par démembremens avilis & foibles, font tombées dans la dépendance abfolue des Hollandois; l’exiftence des Hottentots, leurs noms & leur hiftoire pafferont alors pour des fables, à moins que quelque Voyageur , curieux d’en découvrir les relies, n’ait affez de courage pour s’enfoncer dans les déferts reculés qu habitent les grands Nama— quois où les rochers, de plus en plus durcis par les temps, & les montagnes ftériles & décrépites, n’offrent pas un chétif plant d’arbres digne de fixer l’avidité fpéculative des Blancs. Les peuplades citées par Kolbe, fous les noms de Gunjemans & de Koopmans, n’ont jamais exifté. Le nom de Gunjemans ne lignifie rien dans le langage Hottentot; ce nom fut corrompu par quelque Voyageur qui, n’entendant point ce langage, l’aura mal écrit ; il falloit écrire Gocd-mans^ deux mots Hollandois qui lignifient bons-hommes ou bonnes-gens, qualification qu’ont donnée les premiers Colons à tous les Hottentots en général, parce qu’ils les trouvoient tranquilles & fort accom- modans. Koopmans a pareillement été donné à ceux qui ont fait les premiers échanges ; ce font deux mots qui lignifient, en très bon Hollandois, négociant ou marchand, mais qui ne conviennent pas plus àt une Nation qu’à toute autre; c’eft ainfi que ne comprenant point
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