comme il n’y a point de fcience plus occulte que la médecine & que les maladies internes ne parlent point aux yeux d’une manière fenlible, ils font fort embarraffés pour les gouverner ; mais à cela près de quelques victimes, il en impofent tout autant que chez nous par leur grimoire, & démontrent clairement que la maladie étoit incurable quand le malade eft mort. Ils s’entendent un peu mieux à panfer & à guérir les plaies, même à remettre- des luxations ou des fraflures; il eft rare de voir un Hottentot eftropié. Un fentiment bien délicat pour des Sauvages les fait fe tenir à l’écart lorfqu’ils font malades ; rarement les aperçoit-on ; il femble qu’ils foient honteux d’avoir perdu la fantë; certes il n’entre jamais dans l’imagination d’un Hottentot d’expofer fon état pour exciter les fecours & la commifération; c’eft un moyen forcé mais inutile dans un Pays où tout le monde eft compâtiffant.. Ils n’ont nulle idée de la faignée & de l’ufage que nous en fai- fons; je ne crois pas qu’il fe trouvât chez eux un feul homme de bonne volonté, qui confentît à fe laiffer faire cette opération ; à l’égard des Hottentots-Colons, comme ils fe font habitués aux moeurs Européennes, ils en ont aufli gagné les maladies, & adopté les remèdes. L’opération que font les Médecins dont parle ce fameux Kolbe, l’ufage qu’il prête aux Hottentots des déferts, de confulter les entrailles d’un Mouton, de pendre au cou du malade la coiffe de l’animal, de l’y laiffer pourrir & tous les contes de cette efpèce furent écrits pour le peuple, & font, tout au plus, dignes d’amufer le peuple ; là où il n’y a ni religion, ni culte , il ne peut exifter de fuperftition. Il eft encore moins vrai que , dans la Horde , ces Médecins prétendus jouiffent d’un grade fupérieur aux Prêtres. Il n’y a, pour être plus exaâ, ni Médecins , ni grades, ni Prêtres, & dans l’idiome Hottentot aucun mot n’exprime aucune de ces chofes. Pour fentir jufqu’à quel point erra l’imagination de ce vifion- naire , il fufiit de lire dans fon ouvrage qu’un Médecin Hottentot employa le vitriol romain pour guérir un malade de la Lèpre. Comment ces Sauvages auroient-ils appris à connoître ce fel qui ne fe trouve trouve point chez eu x , puifqu’il eft le refultat d’une opération chimique; il falloit du moins, pour donner quelque vraifemblance à une pareille balourdife, fuppofer des connoiffances à ces peuples , leur prêter nos arts, nos alambics , nos fourneaux & tout l’attirail de la Pharmacie. Dès qu’un Hottentot expire, on l’enfevelit dans fon plus mauvais Kros, on ployé fes membres de manière que le cadavre en foit entièrement enveloppé. Ses parens le tranfportent à une certaine diftance de la Horde , & le dépofant dans une foffe creufée à cette intention & qui n’eft jamais profonde, ils le couvrent de terre, enfuite de pierres s’ils en trouvent dans le Canton; il feroit difficile qu’un pareil maufolée fut à l’abri des atteintes du Jakal & de l’Hienne ; le cadavre eft bientôt déterré & dévoré. Quelque mal rendu que foit ce dernier devoir, le Hottentot fur ce point mérite peu de blâme, lorfqu’on fe rappelle les cérémonies funèbres de ces anciens & fameux Parfis attachés encore aujourd’hui à l’ufage confiant d’expofer leurs morts fur des tours élevées ou dans des cimetières découverts , afin que les Corbeaux & les Vautours viennent s’en repaître & les emporter par. lambeaux. Le Sauvage, en dépofant avec refpeét les reftes inanimés de fon père, de fon ami dans la terre, charge lés fels & les fucs diffolvans qu’elle renferme, de la tranquille & lente décompofition du cadavre; s’il ne réuffit pas toujours au gré de fon attente & qu’il ne retrouve plus les cendres de ce qui lui fut cher, il s’afflige , il fe lamente & montre affez toute la piété de fes moeurs, & l'humanité religieufe de fon caraâère. ' Quand c’eft un chef de Horde qu’on a perdu, les cérémonies augmentent, c’eft à dire que le tas de pierres & de terre fous lequel on l’enfevelit eft plus confidérable & plus apparent. Si le mort eft regretté , la famille eft plongée dans le deuil & la conftérnation ; la nuit fe paffe dans des cris & des hurlemens mêlés d’imprécations contre la mort ; les amis qui furviennent augmentent les clameuts , que de loin on preridroit autant pour l’ivreffe de la joie que pour les accens du défefpoir ; quoi qu’il en fo it , les lignes de leur douleur ne font pas équivoques pour celui Tome I I . H h
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