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terre que les Sauvages nomment Kaa-Nap; fa figure eft irrégulière ; elle contient un fuc laiteux d’une grande douceur ; on fiice uniquement cette efpèce de pulpe pour en extraire & en favourer le lait ; j’ai effayé de la faire cuire ; elle valoit beaucoup moins, ainfi que toutes les autres, attendu la trop prompte décompofi- tîon de la fubftance délicate qui s’évapore | fe dénature & ne laiffe qu’un réfidu fort inlîpide. Quelques autres racines cuites fous la cendre à la manière des châtaignes , en approchoient beaucoup pour le goût. Les fruits fàuvages fe réduifent à un très-petit nombre ; je n'ai jamais rencontré que des arbriffeaux dont les baies, plus ou moins mauvaîfes , ne peuvent guères tenter que des enfans : c’efl àinfi que les nôtres, dans le fond des campagnes, fe font un doux régal de tout ce que produifent nos haies fur les chemins. Il elt de ces fruits fauvages qui ont la vertu de purger, & ne fervent qu’à cela. Quoiqu’étranger à plus d’une partie intéreffante de l’Hiftoire Naturelle, je me ferois cru bien répréhenlible de négliger , dans un climat li lointain , dans des contrées qu’on n’a jamais parcourues, la plus foible occafion d’étudier tous les objets nouveaux dont je me voyois fans celle environné ; j’avoue que fans aucune teinture de la Botanique , je n’ai point négligé cependant de me livrer à quelques recherches relatives à cette Science, qui, pour ne rien dire à l’efprit, & ne porter aucun fentiment à l’ame, n’en a pas moins pour but la bienfaifance & le défir d’être utile aux hommes. Lorfque je trouvois quelques plantes bulbeufes, quelques arbuftes dont les fleurs ou les fruits attiroient mes regards, j’avois grand foin de m’en emparer ; j’en amaffois jufqu’aux graines ; j’étois même parvenu, dans mes divers campemens, à comparer, à failir des rapports ; cette étude étoit pour moi une agréable récréation, un moyen de plus de varier mes loifirs ; dans un de mes retours à la Ville, j’avois fait, en ce genre, une collection affez précieufe que M. Percheron, Agent de France au Cap, avoit adreffée de ma part pour le Jardin du R o i, à cette famille recommandable dont je o’pfe citer le nom, mais que la Nature, en lui révélant fes doux fecrets, 5c lui confiant le foin particulier de fes trefors caches, place au rang de fes plus chers favoris. Ces plantes ne font point parvenues à leur deftination ; je tiens de la bouche de 1 Agent de France, que le vaiffeau qui les portoit a fait naufrage. J’ai été plus heureux à l’égard des deffins que j en avois tirés t je les ai rapportés avec moi. Un tres-habile Botaniile ma attelle n’en pas connoître la plus grande partie ; le Public en jouira par la fuite. ' Je rentre dans des détails plus faciles & qui font à ma portée. Je veux parler de mes chers Gonaquois. A la feule inipcciion de ces Sauvages , il feroit difficile de deviner leur âge ; à la vérité les vieillards ont des rides , 1 extrémité de leurs cheveux grifonne foiblement j mais jamais ils ne blan- chiffent, & je préfume qu’ils font très-vieux a foixante-dix ans. Les Sauvages mefurent l’année par les époques de féchereffe & de pluie; cette divifion eft générale pour l’habitant des tropiques; ils la fous-divifent par les Lunes ; ils ne comptent plus les jours, f i le nombre excède celui des doigts de leurs mains , c’eft-à-dire dix. Paffé cela , ils défignent le jour ou le temps par quelqu’épo- que remarquable , par exemple un orage extraordinaire , un Eléphant tué , une épizootie , une émigration , &c. Ils indiquent les inftans du jour par le cours du' Soleil. Il vous diront en montrant avec le doigt ’ c[ II étoit l a quand je fuis parti, & l a quand je » fuis arrivé ■>. Cette méthode n’eft guères prëcife; mais malgré fon inexaéiitudê, elle donne des a peu près fuffifans a ces peuples, qui n’ayant ni rendez-vous galans , ni procès à fuivre, ni perfidies à commettre , ni lâchetés à publier, ni cour flétriffante & baffe à- faire à d’ignares proteâeurs , & jamais une pièce nouvelle à fiffler , voyent tranquillement le Soleil achever fon cours, & s’inquiètent peu fi vingt mille horloges apportent aux uns la peine, aux autres le bonheur. Quand les Hottentots font malades, outre les ligatures dont j’ai parlé , ils ont recours à quelques plantes médicinales qu’une pratique ufuelle leur a fait connoître. Ils ont parmi eux quelques hommes plus inftruits en cette partie & qu’ils confultent ; cependant'


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