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temps, un volume prodigieux , & devient un mets très-délicat,’ quand on a réfolu de facrifier l’animal. L’ufage d’élever des Boeufs- pour la guerre ne fe pratique point dans cette partie de l’Afrique; je n’ai vu nulle trace d’une pareille coutume dans tous les lieux que j’ai parcourus jufqu’à ce moment; elle eft particulière aux grands Namaquois; j’en parlerai lorfque je vifiterai ces peuples ; les feuls que les Hottentots inftruifent, ne leur fervent qu’à tranfporter les bagages lorfqu’ils abandonnent un endroit pour aller s’établir dans un autre ; le refte eft deftiné aux échanges. - ■ Il faut que les Boeufs dont ils veulent faire des bêtes de fomme, foient maniés & ftylés de bonne heure à cette befogne; autrement ils deviendroient abfolument indociles , & fe refuferoient à cette efpèce de fervice. Ainfi , lorfque l’animal eft jeune encore , on perce la cloifon qui fépare les deux narines; on y paffe un bâton de huit à dix pouces de longueur , fur un pouce à peu près de diamètre ; pour fixer ce bâton & l’empêcher de fortir de cet anneau mobile, une courroie, attachée aux deux bouts, l’aflujétit; on lui laiffe jufqu’à la mort ce frein qui fert à l’arrêter & à le contenir. Lorfque ce Boeuf a pris toutes fes forces ou à peu près, on commence par l’habituer à une fangle de cuir, que de temps en temps on refferre plus fortement fans qu’il en foit incommodé ; on l’auiène au point que tout autre animal envers qui l’on n’auroit pas pris les mêmes précautions, feroit à l’inftant étouffé & périroit fur la place; on charge le jeune élève de quelques fardeaux légers, ■comme des peaux, des nattes, &c. C’eft ainfi qu’en augmentant la charge infenfiblement & par degrés, on parvient à lui faire porter & à fixer fur fon dos jufqu’à trois cents livres pefant & plus, qui ne le gênent aucunement lorfqu’on le met en' marche. La manière de charger un Boeuf eft fort fimple ; un homme, en fe mettant au-devant de lu i, tient la courroie attachée au petit bâton qui traverfe fes narines; l’animal le plus furieux arrêté de cette façon feroit tranquille ; on couvre fon dos de quelques peaux pour éviter de le bleffer; puis, à mefure qu’on y ajoute les effets tleftinés pour fa charge, deux Hottentots rpbuftes placés à chacun de; des côtés les rangent & les affurent en paffant fous le ventre & ramenant fur ces effets une forte fangle de cuir ; elle a quelque fois jufqu’à vingt aunes & plus de longueur; pour la ferrer plus étroitement, à chaque révolution qu’elle fait au tour des effets & du ventre- de l’animal, ces deux hommes appuyent le pied ou le genou contre fes flancs, & certes on ne voit pas avec moins d’éton- nement que de peine la pauvre bête , dont le ventre fe réduit à plus de moitié de fon volume ordinaire, endurer ce fupplice & marcher tranquillement ; fouvent aufli le Boeuf fert de monture au Hottentot qui ne connoît point le Cheval, & , dans les Colonies même , les Habitans s’en fervent quelquefois ; le mouvement du Boeuf eft très-doux , fur-tout quand il trote, & j’en ai vu qui, dreffés particulièrement à l’équitation, ne le cédoient point pour la vîteffe au cheval le plus lefte. L’aâion de traire les Brebis & les Vaches appartient aux femmes ; comme on ne les tourmente jamais, elles font d’une docilité fur- prenante; il n’eft point néceffaire de les attacher; il faut obferver qu’en Afrique une Vache ne donne plus de lait lorfque , par le fevrage ou la mort, elle eft privée de fon Veau; on évite avec grand foin ce malheur, qui rendroit la mère inutile, & diminueroit la plus chère reffource de ces Sauvages ; l’inftintt qui porte une Vache à retenir fon lait jufqu’à ce que fon Veau l’ait tetée, n’eft pas moins digne de fixer l’attention ; mais, dans ces occafions, les Hottentots ont une méthode facile & généralement répandue, toute dégoûtante qu’elle foit ; tandis qu’une femme eft en pofture & tient le pis de la Vache, une autre fouffle avec violence dans le vagin de la bête; fon ventre alors s’enfle démefurément; elle ne peut plus retenir fon lait & le laiffe échapper avec profufion. S’il arrive que le Veau périffe, on en conferve foigneufement la peau, & c’eft avec beaucoup d’adreffe qu’on trompe l’inftinû naïf de ia Nature; on en habille un autre Veau; féduite par cet artifice , la mère continue de donner du lait ; mais il eft rare que ce moyen réuflifle au-delà d’un mois ; c’eft une perte .réelle pour le propriétaire; car, lorfque le Veau ne meurt pas, la Vache ne tarit qu’environ fix femaines avant de mettre bas une autrefois, Tome II, G g


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