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parti qu’ils en tirent, fait allez connoître qu’elle n’eft pas leur défenfe favorite , d’où l’on peut conclure que l’arc & fes flèches font 1 arme naturelle & propre du Hottentot. J’en ai vu quelques- uns plus habiles a lancer la iagaye ; mais le plus grand nombre n’y entend rien. Il n’en eft pas ainli des Caffres qui n’ont point d’autres armes ; j’en vais parler inceffamment. Tels font donc les reifources employées, pour l’attaque & pour la défenfe, par quelques-unes des Nations Sauvages de l’Afrique ; l’Européen s’en indignera peut-être, & les taxera d’atrocité ; mais l’Européen oublie qu’avant qu’il employât ces foudres terribles qui font en un. moment tant de ruines & de vailes tombeaux t il n’avoit d’autres armes que le fe r , & connoiffoit également les moyens d’envoyer un double trépas à l’ennemi. Le Hottentot ne fe doute pas des premiers élémens de l’Agriculture ; jamais il ne sème ni ne plante ; jamais il ne fait de récolte; tout ce qu’a dit Kolbe de fa manière de travailler la terre, de recueillir les grains, de compofer le beurre , regarde uniquement les Colons & les Hottentots à leurs gages ; les Sauvages boivent leur lait comme la Nature le leur donne ; s’ils prenoient goût à l’Agriculture, ce feroit certainement par le tabac & par la vigne qu’ils commenceroient ; car fumer & boire eft pour eux le plaiiir dominant, & tous, jeunes ou vieux, femmes ou filles, portent à ces deux objets une ardeur exceflive. Us font, quand il veulent s’en donner la peine , une liqueur enivrante , compofée de miel & d’une racine qu'ils laiffent fermenter dans une certaine quantité d’eau ; c’eft une forte d’Hy- dromel : cette liqueur n’eft point leur boiffon ordinaire ; jamais ils n’en confervent en provifion ; ils boivent tout d’un coup ce qu’ils en ont ; c’eft un régal qu’ils fe procurent de temps en temps. Us fument une plante qu’ils nomment Dagha & non Daka comme l’ont écrit quelques Auteurs ; cette plante n’eft point indigène ; c’eft le chénévis ou chanvre d’Europe ; quelques Colons en cultivent; & , lorfqu’ils en ont féché les feuilles , ils les vendent fort cher aux Hottentots, & leur échangent contre des Boeufs ; ¡1 y a des Sauvages qui préfèrent ces feuilles à celles du tabac ; piais le plus grand nombre mêle volontiers les deux en- femble. Us eftiment moins les pipes qui arrivent d’Europe que celles qu’ils fe fabriquent eux-mêmes; les premières leur femblent trop petites ; ilsemployent du Bambou , de la terre cuite ou de la pierre tendre qu’ils taillent & creufent très-profondément fans les endommager; ils font enforte qu’elles ayent beaucoup de capacité; plus elles peuvent recevoir de tabac , plus ils les eftiment; j.en ai vu dont le canal par lequel ils afpiroient la fumée, avoit plus d’un pouce de diamètre intérieur. On ne voit point chez les Gonaquois des hommes qui s adonnent particulièrement à un genre de travail, pour fervir les fan- taifies des autres ; la femme qui veut repofer plus mollement, fait elle-même les nattes;.le befoin d’un vêtement produit un Tailleur; le Chaffeur qui défire des armes fûres, ne compte que fur celles qu’il fe forgera lui-même ; un amant enfin, eft le feul architecte de la cabane qui va mettre à l’abri les charmes de fa compagne. J’avoue qu’il feroit difficile de ne pas trouver chez d’autres Nations plus d’intelligence & plus d’art ; les feuls meubles en ulage dans le Pays que je décris font une forte de poterie très-fragile & peu variée ; rarement les Gonaquois font-ils bouillir leurs viandes ; ils les préfèrent rôties ou grillées. Leur poterie eft principalement deftinée à fondre les graiffes qu’ils confervent enfuite dans des calebaffes , des facs de peau de Mouton, ou dans des veffies. Quoiqu’ils élèvent en Moutons & en Boeufs, des beftiaux innombrables , il eft rare qu’ils tuent de ceux-ci, à moins qu’il ne leur arrive quelqu’accident, ou que la vieillelfe ne les ait mis hors de fervice; leur principale nourriture eft donc le lait que donnent leurs Vaches & leurs Brebis ; ils ont, en outre, les produits de leurs chaffes ; &, de temps en temps, ils égorgent un Mouton. Pour engraiffer ces. animaux, ils font ufage d’un procédé , qui pour ne fe point pratiquer en Europe, n’en opère pas moins d’effet, & a de particulier l’avantage de n’exiger aucun foin ; ils fe contentent d’écrafer entre deux pierres plates la partie que nous leur retranchons ; ainfi comprimée , elle acquiert avec le


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