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donne du relief à leur phyfionomie, &, comme elles le difent très- bien , ajoute plus de piquant à leurs charmes. Elles font outre cela plus ou moins fomptueufes en proportion des verroteries qu’elles pofsèdent, & dont elles furchargent leur corps. Bracelets, ceinture, colliers , elles ne s’épargnent rien lorfqu’elles veulent paroître. Elles font des tiffus dont elles fe garniffenf les jambes en guife de brodequins. Celles qui ne peuvent atteindre à ce degré de magnificence, fe bornent, fur-tout pour les jambes, à le» orner du même jonc dont elles fabriquent leurs nattes , ou de peaux*de Boeuf coupées & arrondies à coup de 'maillet : c’eft cet ufage qui a donné lieu à plufieurs Voyageurs de copier, l’un de l’autre, que ces peuples s’enveloppent les bras & les jambes avec des inteftins fraîchement arrachés du corps des animaux & qu’ils dévorent ces garnitures à mefure qu’elles tombent en putréfa&ion ; erreur grof- fière , & qui mérite d’être enfevelie avec les livres qui l’ont produite. Il eft peut-être arrivé qu’un Hottentot excédé par la faim, aura faifi cette reffource, le feul moyen de fauver fes jours, & dévoré fes courroies & fes fandales ; mais de ce que les horreurs d’un fiége ont contraint des hommes civilifés à fe difputer les plus vils alimens, faut-il conclure que les hommes civilifés fe nourriffent ordinairement de pourritures & de lambeaux ? Dans l’origine, les anneaux de cuir & les rofeaux dont les Hot- tentots entouroient leurs jambes, n’étoient qu’un préfervatif indif- penfable contre la piqûre des ronces, des épines & la morfure des Serpens qui abondent dans ces contrées de l’Afrique ; mais le luxe transforme en abus les inventions les plus utiles. A ces peaux & à ces anneaux qui les fervoient fi bien, les femmes ont fubftitué la verroterie, dont la fragilité les préferve fi mal. C’eft ainfi que, chez les Sauvages comme chez les Nations les plus éclairées, fe dégradent & fe corrompent à la longue les inftitutions les plus fages & les mieux combinées ! Le luxe des Hottentotes, tout mal entendu qu’il paroiffe, annonce affez que la vanité appartient & s’étend à tous les climats, & qu'en dépit même de la Nature , par-tout la femme eft toujours femme. L’habitude de voir des Hottentotes ne m’a jamais familiarifé gveç avec l’ufage où elles font de fe peindre la figure de mille façons différentes ; je le trouve hideux & repouffant ; je ne fais quels charmes elles prétendent recevoir de ce barbouillage , non-feulement ridicule, mais fétide. Je donne la gravure d’une Hottentote dans tout le luxe de fes plus beaux atours, & j’attefte qu’il n’y a dans ce portrait ni charge, ni exagération. Les deux couleurs dont elles font fur-tout très-grand cas, font le rouge & le noir. La, première eft compofée avec une terre ocreufe qui fe trouve dans plufieurs endroits ; elles la mêlent & la délayent avec de la graiffe ; cette terre reffemble beaucoup à la brique, ou au tuileau mis en poudre. Le noir n’eft,autre chofe que de la fuie ou du charbon de bois tendre. Quelques femmes fe contentent, à la vérité, de peindre feulement la proéminence des joues; mais le général fe barbouille la figure par compartimens fymétriquement variés , & cette partie de la toilette demande beaucoup de temps. Ces deux couleurs chéries des Hottentotes font toujours parfumées avec de la poudre de Boughou. L’odorat d’un Européen n’en eft pas agréablement frappé; peut-être que celui d’un Hottentot ne trouveroit pas moins infuportables nos odeurs, nos effen- ces, & tous nos fachets ; mais du moins le Boughou a , fur notre rouge & nos pâtes, l’avantage de n’être point pernicieux pour la peau ; il n’attaque ni ne délabre les poitrines ; & la Hottentote qui ne connoît ni l’ambre, ni le mufc , ni le benjoin ; ne çonnoît pas non plus les vapeurs, les fpafmes & la migraine. Les hommes ne peignent jamais leurs vifages ; mais fouvent je les ai vus fe fervir de la préparation des deux couleurs mélangées , pour peindre leur lèvre fupérieure jufqu’aux narines, & jouir de l’avantage d’en refpirer inceffamment l’odeur. Les jeunes filles accordent quelquefois à leurs amans la faveur de leur en appliquer fous le nez ; & , fur ce point, elles ont un genre de coquetterie fort touchant pour le coeur d’un novice Hottentot. Qu’on fe garde bien d’inférer de ce que j’ai dit des Hottentotes, qu’elles foient tellement adonnées à leur toilette qu’elles négligent les occupations utiles & journalières, auxquelles la Nature Tome I I . E e


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