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arrivée, qui néceffairement ne devoit pas tarder; mais je me promis bien de rendre tous mes gens à nos exercices, & j’en donnai le premier l’exemple. Je ne manquai plus, félon mon ancienne coutume, de confacrer une partie des foirées à la rédaftion de mon Jourital, & rfeft ici que je commençai à failïr enfin les différences qui diflinguent un Hottentot d’un Hottentot, & particulièrement les Gonaquois des autres Hordes que j’avois jufqu’alors rencontrées. Le Kraal de Haabas , à quatre cents pas environ de la rivière Groot-Vis , étoit fitué fur le penchant d’une colline qui s’étendoit par une pente infenfible jufqu’au pied d’une chaîne de montagnes couvertes d’une forêt de très-grands arbres; un petit ruiffeau le traverfoit par le milieu, & alloit fe perdre à la rivière. Toutes les huttes, au nombre à peu près de quarante, bâties fur un efpace de fix cents pieds quarrés, formoient plufieurs demi-cercles; elles étoient liées l’une à l’autre par de petits parcs particuliers. C’eft-là que chaque famille enferme, pendant le jour, les Veaux & les Agneaux qu’ils ne laiffent jamais fuivre leurs mères & qui ne tettent que le matin & le foir, temps auquel les femmes traient les Vaches & les Chèvres. Il y avoit , outre cela, . trois grands parcs bien entourés, deftinés à contenir pendant la nuit feulement le troupeau général de la Horde. Les huttes femblables pour la forme à celles des Hottentots des Colonies, portent huit à neuf pieds de diamètre. Elles font couvertes de peaux de Boeuf ou de Mouton, mais plus ordinairement de nattes. Elles n’ont qu’une feule ouverture , fort étroite & fort baffe ; c’eft au milieu de ce four que la famille entretient fon feu. La fumée épaiffe qui remplît ces tanières, & qui n’a d’autre iffue que la porte , unie à la fétidité qu’elles confervent toujours, éionfferoit l’Européen qui auroit le courage d’y refter deux minutes. L’habitude rend tout cela fuportable à ces Sauvages. A la vérité, ils n’y demeurent point pendant le jour;-mais, à l’ap- ’ proche de la nuit, chacun gagne fa demeure , étend fa natte, la couvre d’une peau de Mouton, & s’y dorlote auffi bien que fur le duvet, Quand les nuits font trop fraîches, on fe fert pour couverture d’une peau pareille à celle fur laquelle on couche; le Gonaquois en a toujours de rechange ; dès que le jour eft venu, touS ces lits font roulés & placées dans un coin de la hutte. Si le temps eft pur, on les expofe à l’air & au foleil ; on bat l’un après l’autre tons ces meubles pour en faire tomber, non pas les pii- naifes comme en Europe, mais les infeâes & une autre vermine non moins incommode à laquelle la chaleur exceflive du climat rend fort -fujets ces Sauvages & dont ils ne font pas maîtres avec toffs leurs foins d’arrêter la foifon. Lorfqu’ils n’ont point, pour l’inftant , d’occupation plus preffée , ils font une recherche plus exaile & plus fcrupuleufe de oette vermine ; un coup de dent les délivre l’un après l’autre de ces petits animaux mal-faifans ; cette méthode eft plus facile & plus prompte. Je ne fais quel Auteur s’eft avifé de croire que cet ufage étoit pour eux une reffource , une partie de leur nourriture, peut-être même une délicateffe. Rien n’eft plus faux que cette ridicule affer- tion ; je peux certifier , au contraire , qu’ils s’acquitent de cette manière, d’une cérémonie pareille, avec autant de dégoût que nos femmes ou nos fervantes la rempliffent, d’une autre façon , à l’égard de nos enfans. J’ai avancé, plus haut, que les Gonaquoifes mettent dans leur parure un air de coquetterie inconnu aux Hottentotes des Colonies. Cependant leurs habillemens ne diffèrent point par la forme, fi ce n’eft que les premières les portent plus amples , & que le tablier de la pudeur, qu’elles nomment Neuyp-Kros, eft plus large & defcend prefque jufqu’aux genoux; mais c’eft dans les ornemens, je pourrois dire dans les broderies, prodigués à ces habillemens, que confiftent la richeffe & la magnificence dont elles fe piquent; c’eft dans l’arrangement fur-tout de ce tablier, que brillent l’art & le goût de chacune d’elles ; les defiins, les compartimens, le mélange des couleurs, rien n’eft négligé ; plus leurs vêterperrs en général font chargés de grains de raffade , plus ils font eftimés ; elles en ornent même les bonnets qu’elles portent; ils font, autant qu’il eft poffible, de peau de Zèbre, parce que la peau blanche de ce quadrupède , tranchée par des bandes brunes ou noires ,


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