Les danfes & la joie continuèrent encore toute cette journée; mais , le lendemain, la curiofité amena en détail toute la Horde dans mon camp. Les uns arrivoient , d’autres partoient ; on fe croifoit de toutes parts fur les chemins. Ce fpeélacle étoit pour moi le tableau mouvant d’une fête de village. Je les reçus avec une égale cordialité. Je demandai des nouvelles du pauvre malade; on m’en donna qui me firent plaifir ; il ne ceffoit me dit-on, de parler de moi avec les larmes de la- reconnoiffance ; Il étoit toujours fouffrant; mais quel changement dans fa polition ! quai fou- lagement ne.recevoit-il pas de la propreté que je lui avois procurée! Il jouiffoit du moins de-la confolation de voir fes camarades, & de s’entretenir avec eux.; pleins de confiance dans mes avis, ils ne craignoienr plus d’entrer dans fa hutte & de l’approcher. Leurs vifites étoient une diffraction qui répandoit fur fes plaies un baume plus falutaîre encore que les plantes & lui faifoit oublier fon mal. Je doute fort de fa régénération après l’état défefpéré où je l’ai vu ; mais , s’il étoit poffible qu’il fe . rétablît, je penfe que ce remède moral n’y aura pas peu contribué. Eft-il un fort plus cruel que de fie voir ainlî délaiiTé par fes amis & par fes proches & relégué au loin comme un cadavre abandonné dont la vue fait horreur ? Chacun me contoit tous ces détails à fa manière, & les aocompagnoit de remercîmens d’autant plus emprelfés qu’ils terioient davantage au malade par les liens du fang ou de l’amitié. Ce ne fut que l’après-midi du fécond jour que ceffa la pro- ceffion, & que ces braves Gonaquois prirent congé de mon camp, pour retourner tout-à-fait à leur Horde. Je ne pouvois trop leur recommander le malade; je leur dis que les foins qu’ils prendroient de lui étoient la marque d'affection & d’eftime qui me flatteroit le,plus; je chargeai Narina, en particulier , de lui remettre de ma part une petite provifion de tabac. Je fis, fur-tout, à cette jeune Sauvage quelques nouveaux préfens & je la lailfai partir. J’avois peu fréquenté cette fille ; mais l’attachement qu’elle m’a- voit înfpiré étoit fi naturel & fi iimple ; je m’étois fi bien habitué à fes manières, & je trouvois tant d’analogie entre fon humeur & la mienne, que je ne pouvois me perfuader que notre connoiiTance datât de fi près, & qu’elle dût finir fi t ô t -, je croyoïs l’admirer pour ta dernière fo is .............d’autres projets , d autres foins ! ' . Il eft temps d’obferver que les femmes de ce Pays, ne s étoient point compostées avec mes gens comme avoient fait précédemment celles de la rivière Gamtoos. Elles .montroient la plus grande retenue ; dès que leurs hommes partoient, aucune d elles ne reftoit en arrière. J’avoue que ces vifites un peu longues, un peu nombreufes, & trop multipliées commençoient à me déplaire ; je craignois avec raifon qu’il n’en réfultât du défordre autour de moi , & que mon monde ne prît goût à ces diffipations. Chacun deja fe relâchoit de fa befogne; la chaffe les intéreffoit .beaucoup moins ; la danfe occupoit tous leurs momens. Les gens chargés de la conduite & de la garde de mes befliaux s’y prêtoient à regret , & les lailfoient fe difperfer cà & là ; d’autres s’étoient abfentés la nuit & n’avoient reparu qu’au jour pour fe repofer ; je crus qu il étoit de ma politique de fermer les yeux fur ces petits abus, & de ramener infen- , fiblement tout ce monde au devoir. Les chaleurs commençoient à d e v e n i r infupportables ; le Soleil, après avoir repaffe 1 Equateur, plongeoit à pic fur nous , & nous bruloit au point qu il eut été très-dângereux de s’expofer au jour dans le fort de fon ardeur ; ma tente même fe changgoit dans ces momens en une étuve dont j’étois obligé de déferter. Que de motifs puiffans pour m’engager à changer d’emplacement, & à tranfporter mes pénates dans un local mieux ombragé, fous quelque bocage épais ! mais on fe rappelle le rendez-vous convenu avec mes Envoyés chez les Caffres ; il fe pouvoit qu’à leur retour , ne me trouvant point au Koks- Kraal, ils imaginaffent, ou qu’il m’étoit arrivé quelque malheur imprévu , ou que , fatigué de les attendre , j’avois pris le parti . de décamper & de continuer ma route ; cette diverfion les eût jetés dans le plus grand embarras ; de mon côté, je m’intéreffois trop au fort des deux miens pour les abandonner , & n’aurois pas voulu , pour tous les oifeaux de l’Afrique, avoir à me reprocher une aufli lâche aétion. Je me déterminai donc à relier jufqua leur
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