ils étoient luifans, & leurs ventres tendus montroient affez que le repas de la nuit n’avoit point été frugal. J’avois oublié de demander un Cheval pour moi ; Ssvanepoël y avoit penfé ; la chaleur étoit excefiive ; fix grandes lieues nous féparoient du gîte ; je fis attacher l’Hippopotame par la tête à une forte chaîne, & l'on y attela douze Boeufs; tant que nous longeâmes la rivière , ils éprouvèrent beaucoup de peine & de fatigue foit- par l’inégalité du chemin , foit par les troncs d’arbre qui gênoient à tous momens le paffage ; mais , une fois arrivés fut la plaine couverte d’herbes affez hautes, je fis changer les relais ; & § voyant qu’ils alloient affez rondement, je montai à Cheval, pour gagner le devant. Jager , mon Chien favori, qui ne me quittoit jamais & me fuivoit à la chaffe & dans toutes mes courfes, fut obligé , pour cette fois, de relier en arrière , ne pouvant fe traîner; il aVoit imité mes Hottentots, & n’arriva qu’avec eux vers les cinq heures du foir. Les trois Chaffeurs que j’avois envoyés d’un autre côté, étoient auflî de retour avec bonne prife; ils avoient tué deux Gnous & trois Gazelles de parade , de façon que nous nous trouvions toiit d’un coup abondance de vivres ; mais la grande^ chaleur & le frottement de l’Hippopotame fur la terre l’avoit avancé & meurtri, de manière que quelques-unes des parties les plus fufcêptibles comme les plus délicates, étoient endomagées & commençoient à fe gâter; cela nous obligea à paffer la nuit à le dépecer ; on en fala une partie dans les deux peaux de Gnoux que mes Chaffeurs avoient rapportées; je fis mettre à part les meilleurs morceaux dans une: barique d’eau de vie qu’on défonça après avoir tranfvafé dans des cruches ce qui pouvoit y relier de liqueur; mes gens profitèrent de cette opération & s’enivrèrent. La nuit fuivante , nos deux Lions revinrent encore ; je crois que toutes les Hiennes & tous les Jakals s’étoient affemblés pour nous rendre vifite. Une Hienne ofa traverfer nos feux & arriver jufqü’à, nous. Elle fut manquée par un Hottentot qui la tira ; les Jakals venoient jufques dans le camp ; fans le renfort de nos - Chiens, nous millions été forcés de partager notre chaffe avec ces animaux qui ne paroiffoient pas d’humeur à en avoir le démenti. Le lendemain , nos gens s’occupèrent à dépecer la peau de l’Hippopotame pour en faire ce qu’on appelle dans le Pays des Chanboc. Ce font les fouets en ufage pour frapper les Boeufs qui font fous la main du conduûeur au timon du chariot; ils ont la forme de ceux dont on fe fert en Europe pour monter à Cheval ; mais ils font plus gros & plus longs ; & comme dans la plus grande épaiffeur, la peau peut avoir deux pouces, on la coupe en lanières de deux pouces de large ; ce qui donne à toutes ces pièces deux pouces d’équariffage en tous fens ; ils ont environ fix pieds de long ; on les fufpënd & l’on attache un poids à l’extrémité inférieure pour les faire fécher; on les arrondit à coup de maillet, obfervant de les faire venir à rien par l’un des bouts ; ceux qu’on rend plus minces pour monter à Cheval , ont fur ceux d’Europe l’avantage de ne jamais rompre, fur-tout fi, de temps à autre , on prend foin de les luilrer avec un peu d’huile. On fait un ufage pareil du cuir du Rhinocéros ; les Habitans du Cap lui donnent même la préférence , quoique ce fouet foit moins folide , mais parce qu’il prend un plus beatt poli & une couleur de corne prefque tranfparente. Pour les Colons, qui ne- font point élégàns & qui préfèrent l’utile à l’agréable’, ils ne font ufage que des premiers ; les uns & les autres fe vendent actuellement affez cher, les deux efpèces d’animaux qui fourniffent la matière de ces fouets ne fe trouvant plus dans les Colonies, & ceux des particuliers qui pénètrent quelquefois au-delà n’étant pas fûrs d’en pouvoir rencontrer. Au refte, la peau de ces animaux , ne peut guères s’employer mieux. Elle efl trop épaiffe pour fervir à d’autres ufages ; elle rèffemble beaucoup , fi l’on met à part fon épaiffeur , à celle du Cochon; l’Hippopotame lui-même approche un peu de cet animal : leur lard n’auroit point de différence pour les perfonnes qu’on n’en auroit pas prévenus ; fi la falaifon de celui-ci pouvoit fe faire avec toutes les précautions requifes, on lui donneroit la
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