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CHA P ITR E IX. Région septentrionale de la Pentapole. — Sanctuaires. — Erythron. —*» Naustathmus. — Ghertapoulous. — Zaouani. F id è l e à mon système, après avoir visité la partie méridionale de Lameloudèh, je m’avancerai dans le nord : des renseignements recueillis m’engageront cette fois à parcourir toute cette partie du littoral. Jusqu’à présent nous avons vu dans la Pentapole des tableaux gracieux, mais non des-images de grandeur; nous avons vu des terres fertiles, d’agréables vallons, de limpides ruisseaux, et des bosquets plutôt que des forêts. Mais ces bruyantes cascades qui se précipitent du sommet des rochers; ces épaisses lisières de hauts et majestueux cyprès qui couronnent les monts de leur teinte lugubre; ces rocs caverneux qui s’entr’ouvrent pour découvrir à l’oeil des tapis de verdure et de charmantes retraites; ces épouvantables crevasses qui déchirent le sein de la terre, et la partagent en deux murs escarpés ; tous ces aspects imposants nous sont encore inconnus : tels sont néanmoins les magnifiques tableaux que va nous présenter la région septentrionale où nous allons pénétrer. Un site commode pour faire stationner ma caravane, me fut indiqué dans les gorges des montagnes au nord-ouest de Lameloudèh. A peine fûmes-nous éloignés de deux heures de ces ruines, que les vallées commencèrent à devenir plus profondes, les ravins plus escarpés, et que la végétation plus touffue se développa avec plus de force; ensuite des gorges étroites succédèrent aux vallées, et nous arrivâmes au lieu désigné par les Arabes. Leurs rapports ne m’avaient point induit en erreur. La .colline A’eLHoch domine par son élévation les hauteurs qui l’entourent, et se trouve détachée des défilés qu’elles forment, par les ondulations plus unies du terrain. Cette situation fut appréciée par les anciens habitants. Us bâtirent une forteresse sur le sommet de la colline, et immédiatement au-dessous ils creusèrent un bel hypogée, qui, en raison de ses grandes dimensions et dé la régularité du travail, est nommé par les Arabes el-Hôch (l’habitation) (i). Cet hypogée ne contient ni de subdivisions, ni de ces anfractuosités humides et'sombres qui décorent aux yeux d’un Européen ces excavations antiques, mais en éloignent les Arabes par l’effet qu’elles produisent sur leur pusillanime imagination. Il présente une belle salle quadrangulaire, contenant dans le fond deux grandes niches, et Ornée autrefois sur le devant de trois pilastres dont il ne reste plus que la base. La nature a'réparé toutefois ces outrages du temps : elle a remplacé les pilastres abattus par une double rangée de cyprès, dont le faîte pyramidal et le tronc bronzé de mousse forment un péristyle majestueux et pittoresque. C ’est là que vint s’établir ma caravane. Peu d’endroits jusqu’alors lui avaient offert un gîte si bien abrité ; elle put l’apprécier d’autant mieux que les orages se renouvelèrent bientôt avec plus de force; mais déjà je parcourais les environs. Dans la partie septentrionale de la Pentapole le dromadaire devient une monture incommode et même dangereuse. Cet animal, si agile dans les plaines, est uniquement fait pour elles. Voyez-le partir, la tête haute, le nez au vent; voyez le mouvement cadencé de son corps, les ondulations régulières de ses pâtes ; et vous diriez d’un navire dont le vent propice commence d’enfler les voiles : bientôt le vent redouble; la proue enfonce dans l’onde qui jaillit écumeuse autour de lui; il fend majestueusement la plaine liquide ; mais si le port apparaît, le nautonier prudent diminue de voiles, et l’impulsion reçue suffitpour le faire arriver. A insi, le dromadaire, d’abord lent dans sa marche, s’anime insensiblement : son cou, naguère relevé, rase déjà la terre; il franchit légèrement l’espace; le sable'vole autour de ses flancs échauffés; il suit toujours une ligne directe; et dans la fougue qui l’entraîne, si l’on veut terminer sa course, il faut la ralentir long-temps avant qu’on puisse l’arrêter. On conçoit qu’avec de pareilles qualités, le dromadaire ne soit point fait (i) Golius interprète ce mot bien différemment: suivant cet auteur, il signifierait terre inculte, région habitée par des démons (Yoyez son Dictionnaire, mot Hôck). Néanmoins dans la province de Barcah, et dans tout le désert libyque, on ne s’en sert jamais, du moins actuellement, dans une pareille signification. Les Arabes donnent même quelquefois par analogie ce nom àdeurs tentes.


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