Page 96

27f 59

Ainsi nous voyons les sommités d’Oum-el-Laham, el Harâchi, Ghelleb, Senniou, Rejfah et Boumnah occupées par des forteresses (i) semblables à celles déjà décrites, et appartenant à l’époque romaine, hors celle de Senniou, qui est d’un âge plus récent (Y. pl. XV; i). Auprès de ces châteaux on trouve, de même que dans les précédents, des souterrains ; deux d’entre eux offrent quelques nouveaux détails que nous allons essayer de faire connaître. On s’aperçoit qu’en raison de la stérilité du sol et de l’éloigne- ment des vallées arrosées p ar des sources, les anciens ont redoublé de précautions pour assurer à leurs postes fortifiés une copieuse provision d’eau. Le château de Reffah, peu considérable par lui-même, mais situé sur une colline rocailleuse, en offre le témoignage. A quelques pas de l ’édifice on voit en effet de vastes citernes divisées en plusieurs pièces que je trouvai totalement remplies d’eau. Un conduit couvert au niveau du sol de dalles monolithes de cinq pieds de longueur, servait de communication entre le fort et les bassins. Boumnah, situé à un quart de lieue.du précédent, plus considérable par ses dimensions, présente dans ses souterrains des dispositions curieuses : leur entrée, est au milieu même de l’édifice; ùn escalier aide à y descendre, et l’on arrive dans une vaste pièce au milieu de laquelle est un grand pilier de soutien. Dans la paroi du fond, à quelques pieds au-dessus du niveau du sol, on voit un conduit de hauteur d’homme ; il est dirigé hors le monument, et paraît avoir été destiné à des sorties contre les assiégeants. A gauche de la même salle est une petite pièce oblongue qui en est séparée par une cloison où sont pratiquées trois arches également taillées dans le roc. On y trouve deux colonnes arrivant jusqu’au plafond, entre lesquelles.est une ouverture conique bouchée par un bloc de pierre de même forme, ainsi que dans le souterrain de Lameloudèh. A côté des colonnes est un massif carré, légèrement creusé à sa surface ; sa* hauteur d’environ quatre pieds, et une étroite plate-bande qui règne latéralement, font présumer qu’il a dû servir à quelque préparation domestique à l’usage des habitants du châtèau (Voyez pl. XX V, fig. 5). Les parois de ces pièces ne sont point enduites de ciment; ces précautions étaient réservées pour les citernes seules, et nous les font reconnaître au premier ( ï) Voyez la carte topographique entre le cap Phycus et Derne, aspect. Il en existe une auprès de cette salle souterraine, mais elle ne communique avec elle que par une ouverture pratiquée au-dessus du niveau du sol (Voyez même planche). C ’est ainsi que les châteaux, selon que nous les trouvons au milieu même des habitations, ou qu’ils en sont, éloignés, nous présentent, tour à tour, des lieux de refuge pour la population alarmée, ou des boule- varts pour arrêter les incursions ennemies. Les souterrains, en confirmant nos premières conjectures, nous dévoilent aussi progressivement de nouveaux usages. Mais continuons de recueillir des faits, et nous pourrons ensuite, en les réunissant, faire jaillir de leur contact de nouvelles lumières. Bien des personnes me trouveront sans doute minutieux; elles m’accuseront de les faire languir dans de puérils détails : je n’oublie, me diront- elles, ni astragales, ni boulingrins. Cependant, ô lecteur! que de fatigues je t’épargne, que de ravins je gravis, que de pierrailles je visite pour toi et dont néanmoins je te fais grace! Lorsque je n’ai rien de nouveau à t’apprendre, je me tais; et si le peu que je puis t'apprendre est d’un trop faible intérêt, la faute en est aux Barbares qui ont dévasté cette belle contrée. Il faut fureter dans les entrailles de la terre ; il faut remuer toutes les pierres éparses pour recueillir quelques notions échappées à leurs ravages; et ces notions sont pour toi bien souvent de monotones astragales et d’insipides boulingrins.


27f 59
To see the actual publication please follow the link above