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celui de Chenedirèh, il offre exactement les mêmes détails. L ’enceinte est aussi revêtue d’un mur en talus ; l’entrée est de menu; voûtée et fort petite, et des arcs, restes détachés d’anciennes voûtes, se voient également dans l’intérieur. Les grottes sépulcrales de Lameloudèh se trouvent au nord et à quelque distance de la ville. Elles se distinguent de celles de Massakhit par les plafonds en plein cintre, indice de l’époque romaine, et n’offrent point d’ailleurs la même analogie égyptienne. On n’y remarque ni inscriptions, ni ornements architectoniques ; mais une d’entre elles m’a paru curieuse, soit par sa distribution, soit par les emblèmes qu’elle renferme. Cette grotte très-spacieuse est divisée en plusieurs pièces. Dans la plus reculee on voit un petit sécos orné au-devant de trois pilastres - et contenant dans le fond deux niches, au milieu desquelles est une croix grossièrement sculptée et entourée de deux lignes sinueuses imitant deux serpents entrelacés. J’ai déjà fait remarquer à Massakhit le serpent accompagnant le symbole du christianisme ; je fus frappé de retrouver ici l ’animal sacré dans une attitude différente, dans celle qui était révérée aux mystères de l’antiquité. Cette espèce d’union d’idées païennes avec la religion du Christ éveilla en moi le souvenir de cette secte de gnostiques, de ces Carpocratiens qui, d’après des inductions probables, auraient habité la Cyrénaique. On sait que cette secte emprunta aux Thésmophories des Grecs, et à l’antique culte d’Isis, plusieurs symboles où le serpent était figuré tantôt traînant un char, et tantôt se mordant la queue, image de l’immortalité (i). On sait également, sur la foi des pères de l’Eglise et des historiens orientaux, que, par un mélange monstrueux des lois sévères de l’Evangile avec les préceptes mal interprétés de Zoroastre et de Pythagore (2), mais par une application littérale des principes de Masdacès, un de leurs prophètes (3), on sait, dis-je, que les Carpocratiens avaient adopté entre eux l’égal partage des biens et la commune jouissance des femmes. Autant le premier de ces (1) De Inscrip. in Cyrenaïcâ nuper reperta; Haie, 1824. Matter, Mémoire sur les Gnostiques. (2) Id. ibid. (3) P ococke, in Specimen Hist. arab. ed. Vhite, p. a i. D’Herbelot, Bibli. Orient, mot Masdak. Inscription grecque dans l’ouvrage cité. usages fait honneur à leur philosophie, autant le second la dégrade et paraît indigne d’une société policée. Que des peuplades sauvages telles que les Nasamons, les Massagètes, les Auséens (1) et les Garamantes (2) ; qu’une société mieux organisée telle que les Nahathéens (3) l’aient pratiqué sans honte et sans désordre, c’est ce que l’histoire confirme, quelque incroyable qu’il paraisse d’abord. Mais que des Chrétiens s’y soient livrés ouvertement au milieu d’autres Chrétiens, c’est ce qui paraît trop choquant pour ne point être invraisemblable. En admettant comme prouvé le séjour des Carpocratiens dans la Pentapole Cyrénaique, ils durent infailliblement y former une caste à part; ils durent chercher des retraites qui servissent de voile à leur culte impudique : et quel voile plus épais que le flanc des montagnes?Quel asile plus sûr que les profondes excavations qu’on y trouve de toutes parts? C’est là qu’une morale, fille des ténèbres, dut se réfugier; c’est dans ces sombres caveaux qu’ils durent célébrer leurs licencieux mystères. Les statues de leurs prophètes occupaient peut-être les niches maintenant désertes; des lampes éclairaient les entrailles de la terre : au signal de l’orgie, un reste de pudeur forçait sans doute à les éteindre, et les cendres des morts étaient troublées par des soupirs libidineux ! Telles étaient les réflexions que je faisais dans le caveau de Lameloudèh; ses mystérieux symboles et sa bizarre distribution me les ont inspirées; mais je suis loin d’en induire un fait historique. Dans ce rapprochement, ainsi que dans d’autres, je reproduis tout jusqu’à mes sensations; et des sensations, en de pareils sujets, n’ont pas, je l’avoue, une bien grande valeur. Limrdade fut construite, comme nous l’avons dit, sur une petite colline, mais cette colline se trouve isolée au milieu d’une plaine très-étendue. Cette situation exposait la ville aux irruptions des hordes barbares, et les habitants cherchèrent à leur opposer des barrières. Ils profitèrent de toutes les hauteurs qu’ils trouvèrent dans les environs pour y élever des châteaùx, dont l’importance fut relative à l’élévation de ces hauteurs. (1) Hérodote, 1. I , c. 216; 1. IV, c. 172,180. (2) Pomponius, 1. I , c. 7. Cet auteur, d’accord avec Hérodote, dit que les enfants qui naissaient de ces mariages fortuits étaient adoptés par les hommes qui leur trouvaient quelque ressemblance avec eux. (3) Str a bon , 1. X V I, c. 3.


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