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exactement avec les vingt-quatre milles indiqués dans cet itinéraire entre Dàrnis et Limniade, et avec la position que d’Anville a donnée à cette ancienne ville (i). En outré, ces ruines, par leur caractère, paraissent appartenir à l’époque romaine; aussi n’est-il point surprenant qu’aucun des anciens géographes, et notamment Ptolémée, n’ait fait mention de Limniade. Par la même raison elle est souvent citée parmi les villes de la Pentapole chrétienne, soit sous le nom de Lemandus, par la Géographie sacrée (2) ; soit sous celui de Lemnandi, par saint Paul (3); et peut-être aussi sous celui de Lamponia, par Synésius (4)- D’après le même itinéraire, les limites de la Marmarique, que nous avons vues d’abord fixées au Catabathmus, ensuite à Darnis, auraient été prolongées, sous les Romains , jusqu’à Limniade (5),' quoique le canton à? Aziris séparât à cette époque l’Egypte de la Cyrénaïqué (6). Cetté observation est remarquable en ce qu’il semble en résulter que la dénomination d’une contrée caractérisée par sa stérilité s’étendit successivement, et envahit l’ancienne Pentapole à mesure que cette infortunée province décroissait de sa splendeur. Passons à l’examen des ruines. Vues de quelque distance, elles figurent un amphithéâtre dont les divers échelons de la colline formeraient les degrés. Des montants de portes, dés angles d ’édifices et des voûtes encore debout les couvrent de toutes parts, et forment lin ensemble bizarre, non point d’une ville ruinée, mais d’une ville qu’on va bâtir. Après ce coup-d’oeil général, si l ’on se rapproche des ruines du côté du nord, ce qui frappe d’abord l’attention ce sont deux grands bassins qiiadrangulaires, ayant vingt mètres environ de chaque côté, et taillés avec soin dans la roche. Immédiatement au-dessus de ces réservoirs on en aperçoit deux autres; le temps en a usé les parois, mais on peut toutefois distinguer encore leurs contours élégants (V. pl. XXV, (1) Orb. Rom. pars orientalis. (2) Geogr. sacra, p. 283. (3) Orien. Christ, t. II, p. 63o. (4) Epist. 67, ed. Pet. p. 215. (5) Ut supra, p. 70. (6) Mànnert, Géogr. des Grecs et des Rom. t. X , part. II, p. 78. fig. 5). Ceux-ci furent ainsi placés pour transmettre l’éau des pluies qu’ils recevaient par. la pente de la colline , dans ceux qui se trouvent sur un plan inférieur (1). Ces derniers en sont encore entièrement remplis, et contiennent, en outre, une végétation abondante : les potamogéton forment à leur surface de larges réseaux, cédant parfois la place aux feuilles sphériques des nymphæa, ou bien à des touffes de scirpes et de roseaux. Un naturaliste se serait sans doute empressé d’aller faire connaissance avec les descendants des reptiles qui depuis plusieurs siècles ont successivement habité ces bassins. L ’antiquité de leur origine aurait ajouté aux charmes de leurs formes hideuses ; il eût peut-être fait quelque belle découverte. Pour moi, je me contentai d’y jeter des pierres : je vis aussitôt nager un peuple de grenouilles, et je ne sais quelle bête ayant la forme d’un serpent aplati; j ’avoue, à ma honte, que je ne fus pas du tout tenté de m’en saisir. Ainsi, à la place d’observations positivés, j ’émettrai sur ces bassins de vagues conjectures. Dans les temps où la mythologie animait de ses créations poétiques le sein des eaux comme celui des forêts, ces bassins, très- grands pour une petite ville, durent aussi avoir leurs nymphes. Serait-il impossible que leurs Limniades eussent donné le nom à la ville (2), d’autant plus qu’aucun lac ni étang ne se trouve dans les environs? A quelques pas de ces réservoirs est un souterrain ; il contribuera à nous expliquer par la suite un nouvel usage des Cyrénéens. On y pénètre par un escalier étroit qui conduit à deux pièces latérales. L ’une contient au plafond une ouverture ronde, bouchée par un bloc de pierre; cette ouverture correspond à l’intérieur d’une petite construction que l’on trouve au-dessus : l’autre est suivie d’un corridor qui se prolonge fort avant dans la colline. Les décombres qui le remplissent empêchent d’en connaître toute l’étendue (Voyez pl. XXV, fig. 4); mais, selon les Arabes, il communique avec un château que l’on voit sur la partie la plus élevée des ruines de la ville. Le souterrain prend en effet cette direction, et des faits analogues que j ’observai dans la suite rendent cette tradition vraisemblable. Quant au château, plus grand et plus détruit que (1) Nous avons déjà fait remarquer dans la Marmarique un essai informe des mêmes dispositions ( Descr. de la Marma. p. 3 ). (2) On sait que les Limniades étaient les nymphes des lacs.


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