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CHAP ITRE VIII. Chenedireh. rrr M. Müller. — Lameloudèh. — Carpocratiens. — Châteaux et souterrains. N o u s avançons dans la Pentapole en décrivant une ligne anguleuse; et selon que nous nous trouvons sur les confins septentrionaux du plateau cyrénéen, ou que nous pénétrons dans les terres, nous rencontrons alternativement des ravins ou des plaines, des arbres ou des arbustes. C ’est cette dernière direction que nous prenons en quittant Massakhit. Aussi, le terrain devient plus uni ; les lentisques remplacent les cyprès, et couvrent à un tel point le sol de leurs demi-sphères de verdure, que les autres arbustes qu’on aperçoit parmi eux paraissent là comme des étrangers. Nous avons fait ainsi deux heurés de chemin dans l’ouest, et nous rencontrons un nouveau b ourg, Debek, et un autre château, Chenedirèh, dont l’état de conservation nous offre l’oecasion d’entrer dans quelques détails sur ces anciens postes fortifiés. Cet édifice est revêtu d’un second mur en talus à anglés arrondis. Sur trois de ses côtés, et au niveau du sol, se trouve une petite entrée cintrée qui ne permet à un homme d’y passer qu’en s’agenouillant (Voyez pl. X IV ) . Après avoir franchi l’enceinte générale, on en rencontre une autre séparée de la première par un corridor étroit ; des portes carrées et à hauteur d’homme y sont placées vis-à-vis des petites entrées extérieures. Malgré les décombres dont l’intérieur est rempli, on peut toutefois s’assurer que sa surface était divisée en sept pièces voûtées ayant des communications entre elles. Un second étage s’élevait sur celui-ci ; les indices qui en restent prouvent qu’il était également voûté, mais ne permettent point de connaître s’il avait la même distribution. Cet édifice présente en outre une disposition architectonique très-remarquable : au fond de l’étage inférieur, indépendamment des pièces mentionnées, on en voit une autre plus petite, semi- circulaire horizontalement, se terminant aussi en plein cintre au sommet, et ornée au-devant de deux colonnes (V. pl. X I , fig. 4 ). Cette disposition, accompagnée des mêmes détails, est continuellement répétée dans tous les monuments du même genre et de la même époque. De plus, on la retrouve dans plusieurs ruines de temples chrétiens de la Cyrénaïque; ajoutons encore, dans quelques châteaux sarrasins appartenant au premier âge de la conquête de l’Islamisme (Voy. pl. LXXXIX). Que les Musulmans, après s’être emparés de cette contrée, aient imité, en construisant leurs châteaux, une partie des formes et de la distribution de ceux qu’ils y ont trouvés, il n’y a rien là de surprenant : mais que des édifices qui ne-sont évidemment que des postes militaires, offrent une telle analogie avec d’autres édifices qui sont aussi évidemment les restes de temples; c’est ce qui paraîtrait fort étrange, si le philosophe de la Pentapole chrétienne n’avait pris le soin de nous en indiquer clairement la cause. J’ai déjà fait mention, dans le précis de l’histoire de Cyrène, des incursions des Libyens dans les champs de la Pentapole déchue de son ancienne gloire. Ne pouvant arrêter ces torrents dévastateurs, les habitants se réfugiaient dans les châteaux ; « lieux publics, nous apprend Synesius, « où l’on célébrait les saints mystères, et où la population alarmée allait « prier lorsque les Barbares s’approchaient pour dévaster le canton (1). » Ces précieux renseignements me paraissent suffisamment expliquer l’analogie remarquée entre des monuments d’une destination si différente. Les petits sécos ornés de colonnes, que nous voyons dans les châteaux, durent servir de chapelles, auprès desquelles le peuple timide allait implorer du Très-Haut des secours qu’avec plus d’énergie il eût trouvés en lui-même. L e même passage de Synésius indique aussi le motif de ce grand nombre d’édifices du même genre que nous avons deja rencontres et que nous rencontrerons encore dans la Pentapole. Nous ne serons plus surpris de trouver auprès des vestiges du moindre hameau, les ruines du château qui était à la fois pour.ses habitants un lieu de refuge et de piété. Chenedirèh, de même que Maârah, est entouré d’un fossé où sont (1) Synesii epist. 6 7 ; éd. Pet. p. 212.


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