Page 86

27f 59

sommités qui la dominent un autre poste fortifié. De telles ruines sur dè pareilles situations sont si fréquentes dans ces montagnes, que désormais il me suffira de les nommer en passant ; je n’entrerai dans quelques détails à leur sujet que lorsqu’elles me présenteront des caractères particuliers. De ce nombre est le château de Maârah, situé sur la rive septentrionale de la vallée de ce nom, prolongement oriental de celle de Tarakenet. Ce château construit sur un rocher nu, auprès d’un ancien bourg, forme un grand carré ayant de chaque côté vingt mètres de longueur. Dans l’intérieur, on ne peut plus reconnaître que les fondations de quatre pièces qui communiquaient entre elles par de petites voûtes encore debout. Cet édifice, par la petite dimension des assises, et surtout par le ciment qui les joint, m’a paru appartenir aux Sarrasins; mais un large fossé qui l’entoure de trois côtés, est incontestablement antérieur au château, et porterait à croire que la construction actuelle fut élevée sur Remplacement d’un monument plus ancien. Le fossé de circonvallation est entièrement creusé dans le roc, et contient dans les parois opposées aux murs du château un grand nombre de grottes sépulcrales, formant une galerie souterraine. Les Arabes ont changé ces grottes en ateliers, si l’on peut toutefois donner ce nom à des pieux fixés dans les fentes des rochers, où sont attachés des fils de laine que l’on croise avec assez d’adresse pour en faire des ihrams. C’est un spectacle curieux et riche en réflexions que celui des ateliers de Maârah! Ce n’est point sans surprise que l’on; voit à l’entrée de ces antiques sépultures, au lieu d’instruments de fossoyeurs, des fusils armés de baïonnettes; que l’on entend dans ces cavernes, autrefois consacrées à la douleur et au silence, les bruyants éclats d’une gaîté sauvage. On n’est pas moins frappé de voir les Arabes poser leur nourriture journalière au fond même des sarcophages ; de voir de petits êtres à peine entrés dans la vie, des enfants à la mamelle, s’ébattre tout nus dans des cuves monolithes où l’on purifiait les cadavres avant qu’ils fussent placés dans les tombeaux. Mais on ne peut surtout se défendre d’une impression pénible à l’aspect d’ossements antiques qui, exhumés des cercueils après plusieurs siècles de repos, servent aujourd’hui de navettes pour de grossiers tissus ! Ces rapprochements d’époques, ces bouleversements d’usages, produisent des contrastes bizarres qui arrêtent le voyageur pensif et disposent son ame à la rêverie. En quittant Maârah, si l’on se dirige droit a l’ouest, on rencontre d’abord un nouveau château sarrasin, el-Haràmi (i.) ; son nom indique assez à quelle sorte de gens il sert de repaire, et l’on n’est point tenté de s’y arrêter long-temps. Non loin de ce château, on trouve encore les vestiges d’un ancien village, Kasch-Moursek; et enfin, après six heures de marche de Maârah, on arrive à Massakhit, ruines d’un bourg plus considérable. C’est là que je voulais d’abord conduire le lecteur avant notre rapide excursion au château des troglodytes. La situation de Massakhit, la ville des statues, peut donner d’avance une légère idée de celle de la métropole, de l’antique Cyrène. La sommité septentrionale du plateau se trouve en cet endroit taillée à pic dans une profondeur de vingt à trente pieds, et forme une espèce de falaise creusée de toutes parts en tombeaux. Ce long mur sépulcral servait de soubassement à l’ancienne ville dont les débris sont épars çà et là, et n’offrent d’autre monument reconnaissable qu’un château appartenant à l ’époque romaine. Cependant les fragments de marbre et de statues que l’on y trouve, et surtout le grand 'nombre d’anciens tombeaux, indiquent suffisamment que cette petite ville dut être florissante dans l’antiquité; mais continuons maintenant l’examen des vestiges qu’elle nous offre dans sa destruction. Ici, comme aijleurs, les excavations dans le ro c, par leur conservation, attirent d’abord notre attention. Celles de Massakhit sont remarquables par la prodigieuse quantité de niches que l’on voit sur leurs entrées, et même sur les masses brutes du rocher. Cette singularité frappera le lecteur, s’il jette les yeux sur la planche à laquelle je le renvoie (Voye z pl. X I I ). Il y verra une façade dorique bizarrement bariolée de niches grandes ou petites, elliptiques ou carrées , réunies ou isolées. Il en verra au sommet et à la base, dans les métopes et les entre-colonnements. Nul doute que ces singulières de- (i) Le château des Volèurs.


27f 59
To see the actual publication please follow the link above