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Nous commençons ici à entrevoir le système des Cyrénéens dans la défense de leur contrée : les deux rives àe Betkaât étaient autrefois couvertes par intervalles de postes fortifiés, d’où l’on veillait au repos de ses habitants. La mieux conservée de ces ruines se trouve sur le point le plus élevé et aux deux tiers de l’étendue du vallon : elle consiste en deux bâtisses carrées, construites sur un rocher escarpé, où l’on gravit avec peine. Immédiatement au-dessous des ruines sont deux excavations dans le : ro c, entièrement comblées; deux énormes dalles servaient à fermer hermétiquement chaque entrée, placée horizontalement. Ges excavations se trouvent fréquemment dans la Pentapole sous des ruines semblables à celles-ci, qu’elles soient sur des hauteurs ou dans la. plaine; mais cette différence dans leur situation en rendait aussi diverse la,destination. Ges souterrains nous présenteront, en effet, tantôt de vastes magasins ou de profonds réservoirs, et tantôt d’étroites galeries pour faciliter les sorties des assiégés. D’autres fois ils formeront de petits sanctuaires : de grandes niches, et de larges entrées ornées de pilastres, en seront la preuve. D ’autres fois encore, en les voyant disposés en galerie autour du châte'au, nous y reconnaîtrons de petites nécropolis où l’on déposait peut-être les restes de ceux qui avaient défendu leur patrie contre les attaques des Barbares. Des indices certains nous guideront dans ces diverses destinations. Leur examen réfléchi pourra jeter quelque lumière sur les usages des anciens peuples de cette contrée. Nous étudierons moins la Pentapole en parcourant la surface du sol, qu’en nous enfonçant dans les entrailles de la terre: les Barbares qui ont détruit les édifices n’ont pu faire écrouler les montagnes; les villes et les temples ont disparu, mais les souterrains existent encore. Non loin des grottes de Betkaât, jaiWit une belle source ; ses eaux sortent enbouillonnantduflancdurocher,et,selonles obstacles qu’elles rencontrent dans leur course , elles se ramifient en plusieurs ruisseaux qui prennent des directions différentes, répandent partout la fertilité; et ajoutent beaucoup aux charmes que présente la sommité pittoresque de Betkaât. De ce point élevé, la vue s’étend fort lo in , et l’on pouvait apercevoir de tout côté l’arrivée des hordes ennemies. Cette réflexion me suggéra à l’instant une foule de pensées. Un pâtre, placé à côté de moi, m’indiquait les ruines que je désirais visiter bau nord je voyais, me disait-il, la belle vallée de. la Coupole ; vers l ’est, la colline des Souterrains; un point noir dans l’horizon annonçait le temple des Fruits; et plus loin encore était la ville des Statues. Mon esprit, tantôt attentif à ces récits et tantôt recueilli en lui-même, se porta involontairement à cette époque où les anciens possesseurs de la contrée veillaient, du lieu même où je me trouvais, à l’arrivée des hordes africaines, et les repoussaient ensuite dans les déserts. Combien les temps étaient changés ! Un descendant de ces peuplades, sauvage comme elles, m’indiquait maintenant en noms défigurés les vestiges des villes où régnèrent jadis les souverains de la Pentapole. Ces tours qui firent trembler ses ancêtres, maintenant écroulées, le Libyen les foulait avec dédain; il en méconnaissait jusqu’à l’antique usage : et tandis que ses troupeaux paissaient l’herbe qui croît sur leurs débris ; tandis que ses tentes couvraient les plaines et les vallées; assis sur ces murs autrefois redoutables, paisible, il chantait ses guerres sanglantes ou ses sauvages amours. Préoccupé par ces idées, je descendis lentement le rocher de Betkaât; et m’enfonçai de nouveau dans les-sinuosités du vallon. De mêmes objets ne produisirent plus sur moi de mêmes impressions : de nouvelles ruines, de nouveaux sites frappèrent mes regards sans les arrêter ; et nous quittâmes enfin ces sombres défilés, pour entrer dans la spacieuse vallée dé Koubbèh. Des vestiges de belles fondations me firent soupçonner que je m’approchais d’un canton des plus intéressants de l ’ancienne Pentapole. Mais avant de pénétrer davantage dans l’ouest, entrons dans une nouvelle vallée qui fait suite à celle de Koubbèh, et contourne brusquement vers l’est jusqu’à Derne. L ’ordre de mes récits me paraît, préférable à celui de mon itinéraire. Cette nouvelle vallée prend d’abord le nom de Tarakenet. Moins étroite que celle de Betkaât, mais plus boisée encore, elle e s t, pour ainsi dire , encombrée d’une végétation tellement active, qu elle couvre entièrement la pente des collines, se presse dans:le fond de la vallée, et ne permet de la traverser, qu’en se frayant un passage à travers un épais taillis d’arbres et d’arbustes. En la parcourant, on aperçoit sur une des i 5.


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