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La légère différence qui existe entre ce nonf et celui de ce géant de la fable, ne me paraît point présenter une grave difficulté; d’autant plus que Lucain, dont les descriptions géographiques sont en général si fidèles, confirme évidemment ce rapprochement. Il place le royaume d’Anthée dans cette région de la L ibye où l’on trouve de petites montagnes, et des rochers escarpés ( i) : manière aussi ingénieuse que même chapitre, ainsi que l’a observé Vossius (Id. ib id.), il me semble qu’au lieu de corriger, comme Gronovius, Achitides par Azirites (In S cy l., pages 107, 108), on pourrait lire j Antides, leçon qui s’accorderait avec la dénomination donnée plus bas à la Chersonèse, et que ces deux commentateurs ont laissée subsister sans lui substituer nulle autre interprétation. (1) Inde petit tumulos, exesasque undique rupes, Anthæi quæ régna vocat non vana vetustas ( Phars. 1. IV, v. 589-590 ). Le nom d'Anthée, ou d'Antide, rappelle aussi le lac Anthia, d’Etienne de Bÿsance (V. Anthia); et quoique ce lac paraisse d’abord désigner le Tritonis, auprès duquel, suivant le scholiaste de Pindare (à la pyth. IX, v. i 85) , aurait été située Irasa; néanmoins , comme cette tradition est clairement réfutée par les passages cités d’Hérodote et de Lucain, on pourrait faire correspondre Y Anthia d’Etienne au Conchylium de Ptolémée, située au sud de la Chersonèse Antide. J’avoue cependant que tous ces frais d’érudition seraient au moins fort déplacés, et que mes raisonnements se réduiraient à autant de sophismes , si, sur le sujet qui m’occupe, on s’en rapportait exclusivement à Ptolémée et au Périple anonyme. Ils placent en effet, l’un A xilis , et l’autre Nazaris, àÿl’occident de la Chersonèse, tandis que j ’ai placé Aziris à l’orient, autorisé par les descriptions comparées d’Hérodote et de Scylax. Plusieurs raisons m’ont porté à préférer, sur un fait qui remonte à une haute antiquité, le témoignage des écrivains les plus anciens, à celui des écrivains postérieurs. .Puisqu’il est prouvé qu’Hérodote a voyagé dans la Cyrénaïque, il n’aura point donné de faux renseignements sur des lieux qu’il a dû visiter. Or, le fleuve que lui, Salluste, et l’anonyme lui-même, s’accordent à placer à Aziris, ne peut se retrouver que vis-à-vis de Platée, à l’orient de la Chersonèse, et non point sur le plateau même, où je-n’ai rien vu qui pût en faire soupçonner l’ancienne existence. J’ajouterai encore que le port Azarium, de Synésius (Epist. 4 )> se retrouve plus aisément à l’orient de la Chersonèse, auprès du golfe dé Bomba, qu’à l’occident, où la côte devient en général peu abordable. Je me résume, car il en est temps, par cette dernière observation : la position occidentale de Y Axilis, de Ptolémée, ne proviendrait- elle point d’une transposition de nom en des temps postérieurs à l’âge d’Hérodote ? Quant à la rivière considérable placée à Nazaris, indépendamment du Paliurus, par le Périple anonyme, les compilations, témoin celle d’Etienne de Bysance, ne nous offrent- elles point des preuves fréquentes de répétitions, et de la réunion confuse de descriptions anciennes avec d’autres plus modernes ? fidèle de désigner les cantons septentrionaux de la Pentapole, dont les terrasses, taillées souvent à pic, ne forment néanmoins ensemble qu’un diminutif du plateau atlantique. Après une heure de repos, nous quittâmes Erasem, nous dirigeant, ainsi que les colons grecs, vers la fontaine d’Apollon; mais plus heureux qu’eux, nous traversâmes le riant pays A’Irasa, à la clarté d’un beau jour. La route que nous suivions avait été frayee,.par le feu, à travers une épaisse forêt d’arbres déjà nommés. Leurs troncs décrépits, abattus par le temps, couvraient partout le sol, dans le plus grand désordre; et des ravins, formant en hiver autant de petits torrents, contribuaient à varier l’aspect de ce lieu, image à la fois de vie et d’abandon, de jeunesse et de vétusté. Nous marchâmes pendant deux heures dans la forêt; chemin faisant, les guides m’avertirent de faire museler mes chameaux. Une ombellifère nommée Derias, qui, à cette époque, commençait à couvrir le sol de larges touffes de feuilles luisantes et multifides, était la cause de ces précautions. J’indique ici ce fait pour en prendre acte en son lieu; j ’en donnerai ailleurs l’explication. Après cette forêt, le terrain continue d’être inégal, pierreux, mais très- fertile. Le voisinage de Derne rend ce nouveau canton très-habité. On peut attribuer à la même cause la rareté d’arbres que j ’y remarquai. Les Arabes, ne connaissant d’autre agriculture que celle des céréales, ont apparemment dépouillé ces lieux des bois qui devaient les couvrir, pour multiplier les moissons. Au reste, la nature elle-même ne paraît point avoir jamais développé toute la force de la végétation dans la partie orientale du plateau cyrénéen. La forêt d’Erasem semble l’attester, puisque aucun arbre n’y atteint plus de dix à quinze pieds de hauteur. Il faut pénétrer plus avant dans la Pentapole, pour trouver ces lisières touffues de majestueux et lugubres cyprès qui attirent dans cette contrée les nues fécondantes, et ceignent l’infortunée Cyrène comme d’un long crêpe de deuil. Dans toute la partie du plateau que je viens de décrire, je n’aperçus aucune ruine remarquable- Des débris amoncelés sur de petites hauteurs m’offrirent là , comme dans la Marmafique, les indices d’anciens postes fortifiés ; et des vestiges de grandes enceintes isolées que je rencontrai


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