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chameaux, ânes et moutons se précipiteraient pêle-mêle sur l’eau, et ces derniers, sans doute, ne se désaltéreraient de long-temps. Un Arabe suffit Ordinairement h la garde d’un troupeau considérable ; placé sur une éminence, le fusil ou le nabout (i) à la main, et accroupi sur ses talons, il promène de temps en temps ses regards dans les solitudes qui l’environnent; si nul objet ne provoque ses craintes, il cherche à tromper la durée du temps par des chants analogues aux sensations qu’il éprouve. Les fortes intonations de sa voix habituée à se faire entendre dans l’espace, sont souvent transmises fort loin jusqu’à d’autres Arabes, pasteurs comme lui; alors ils répètent ou alternent entre eux les mêmes strophes du chant, après de courts intervalles qu’ils laissent de l’une à l ’autre. Mais si par hasard le pâtre gardien aperçoit dans l’horizon une caravane nombreuse ou tout autre sujet d’alarme, il se hâte de rallier ses troupeaux, et par des signes convenus, il prévient les siens du danger qui les menace. Les Aoulâd-Aly, et généralement tous les Arabes du désert, ne connaissent ni l’agriculture régulière, ni le jardinage. C ’est aux céréales, et principalement à l’orge indispensable pour leur nourriture et celle de leurs juments, que se bornent tous leurs travaux agricoles. La terre n’est sillonnée qu’une fois et peu profondément par une charrue de petite dimension, souvent dépourvue de fer, et faite quelquefois de roseaux. Dès que le grain à été semé, on le recouvre d’une légère couche de terre; trois mois après la récolte est prête, le chaume est coupé aux deux tiers de sa hauteur, et le champ même devient l’aire qui sert à dépouiller le grain de son enveloppe.. Quoique la nature ait grand besoin dans cette contrée de soins industrieux pour lui faire varier ses productions, cette cause n’est point la seule de l’état d’abandon où elle languit. L ’Arabe du désert croirait déroger à sa noblesse, et compromettre son orgueilleuse indépendance, s’il fixait son séjour dans un lieu quelconque, pour le rendre plus fécond par des soins agricoles. Ce serait imiter les moeurs du Fellah, qu’il méprise; ce serait quitter la vie errante qu’il aime, pour la vie sédentaire qu’il redoute. (i) Gros bâton ou plutôt espèce de massue, ordinairement ferrée à son extrémité. Sa manière de vivre .le rend étranger aux charmes qu’inspirent les souvenirs des localités; ils naissent chez nous par de longues habitudes, et surtout par les impressions de l’enfance : une colline, un bosquet, ou le simple sentier du village qui nous a vus naître, viennent souvent occuper notre pensée; leurs images sourient à notre imagination, en lui rappelant une foule de circonstances futiles, mais toujours chères. Ces impressions locales ne peuvent exercer aucun empire sur l’esprit du nomade ; habitué dès le bas âge à changer sans cesse de demeure, il n’en préfère aucune ; pour lui, sa patrie est le désert, et ses souvenirs sont les vastes solitudes. Dès qu’il a moissonné sa récolte, dès que ses troupeaux ont épuisé les pâturages d’une-vallée, aussitôt il lève sa tente; des djérids ( i) , pliés en demi-cercle, assujettis à la selle des chameaux et couverts de longues toiles, servent à garantir les femmes e t les jeunes enfants de la trop grande ardeur du soleil : bientôt tout se met en mouvement; les troupeaux ouvrent la marche ; continuant à brouter çà et là , leur domicile n’a point changé : les chien s veillent alentour des troupeaux ; ils pressent les plus tardifs, et défendent aux voyageurs qu’ils rencontrent l’approche de la caravane : le gros bétail et les chameaux terminent la marché.' Les ustensiles du ménage, les fruits de la récolte, en un mot,' tous les objets de la bourgade errante, se voient bizarrement groupés autour des formes sauvages et pittoresques du chameau. Après que la caravane est partie, si l’on jette un coup d ’oeil sur le camp abandonné, à peine si la terre foulée et les traces du foyer domestique indiquent la place des tentes. Les vents ou la pluie feront bientôt disparaître ces faibles indices d’habitations humaines, rendus à la solitude, jusqu’à ce que le hasard y amène de nouvelles familles. (i) Branches de palmier.


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