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d etoffe.delaine, formant un parallélogramme très-alongé, que Ton revêt sans couturé ni incision préalable. Mais l’Arabe du désert possède l’art de la draper avec une noblesse et une simplicité que voudraient en vain imiter le Fellah et l’habitant des villes. Porté par ces derniers, le ihram n e s t plus qu’une draperie lourde et sans grâce, qui gêne leur démarche et embarrasse leurs gestes; ils en sont plutôt affublés que drapés ; aussi, quoique parés de ce passe-port nécessaire dans les régions libyques, ces faux Bédouins sont ^bientôt trahis par leur allure composée ou par leur maintien gauche et timide. Que l’Arabe du désert, au contraire, revete le ihram immédiatement sur sa peau bronzée ou sur sa large chemise, il le dispose avec un art d’autant plus inimitable, qu’il est le fruit de l’habitude et non de la recherche. Une des extrémités du iliram, repliée et nouée au quart de sa longueur, forme une ouverture qui donne un libre passage à la tête et au bras gauche; la partie nouée descend en replis sous ce bras, soutenue par le noeud qui vient se poser sur l’épaule droite; le reste de la draperie est jeté négligemment sur l’autre épaule, ou bien il fait auparavant un contour sur la tête pour la préserver des rayons du soleil. • Ce costume, qui a de l’analogie avec celui des temps héroïques, ne saurait etre plus simple, et par cela même il est noble et martial. L ’instant ou l’Arabe saisit d’une main la bride et le pommeau de la selle, et de l’autre jette le pan de sa draperie sur l’épaule et s’élance en même temps sur le cheval, cet instant, dis-je, présente des mouvements combinés avec une noblesse et une aisance particulières aux moeurs de ces hommes du désert. Mais l’usage du ihram ne se borne point à draper noblement le corps, il supplée à lui seul tout le mol attirail de nos lits européens. Sans autre secours que leur costume, ces Arabes trouvent leur lit partout; qu’ils dorment en plein air ou sous les tentes, ils se blottissent dans leur draperie, et s’en couvrei*t de telle manière qu’une personne étrangère à leurs usages, en entrant la nuit dans un camp ou s’arrêtant près d’une caravane, chercherait en vain les habitants ou les conducteurs, si un allah, un hia akbar, un hia mas tour, ou telle autre exclamation prononcée de temps à autre en accents étouffés, ne décelait des hommes sous des paquets de hardes. Les femmes portent aussi le ihram, mais elles le vêtent différemment. Une partie de la draperie contourne la tête en guise de capuchon, et le reste est assujetti autour du corps par une ceinture ordinairement en peau. Leurs cheveux, qu’elles laissent croître dès l’enfance, sont disposés en tresses autour du front ou tombent flottants sur les épaules. Elles les couvrent ordinairement du medaouârah, étoffe qui est'quelquefois de soie et coton, bariolée de différentes couleurs, et plus souvent de laine noire. Les Bédouines ont l’avantage de n’être point voilées par le bounah(\)r imposé par la jalousie orientale à toutes les femmes indistinctement qui habitent les villes (2). Les traits de leur visage sont réguliers, et s’ils n étaient défigurés par des tatouages de khol et d’énormes anneaux en verre ou en argent qui leur pendent aux oreilles et souvent même au nez, ils ne seraient pas dépourvus d’agrément. Elles ne se bornent point a charger leur figure de ces lourds ornements, elles s’en garnissent aussi les jambes et les bras; leur nombre augmente même en raison de leur coquetterie; mais fort heureusement pour leurs maris que ce surcroît de luxe ne témoigne pas chez les modernes Libyennes les mêmes conséquences que chez les anciennes (3). Pour les Bédouins limitrophes de la vallée du Nil, la loi sacrée de l’hospitalité n’est plus qu’un simple nom de tradition; partager le pain, et le sel, n’est plus qu’une vaine simagrée qui n’oblige à aucun devoir, et dont ils savent toutefois au besoin invoquer l’inviolabilité. Corrompus par le voisinage des villes, excités par les jouissances qu’elles procurent, ils n on t d autre loi que l’intérêt, d ’autre désir que le gain. J’ai trouvé des différences bien notables chez les Arabes de la Marmarique (4). Ceux-ci sont loin, il est v rai, d’avoir conservé toute la pureté de moeurs de la vie patriarcale; leur amour pour l’argent est même assez vif, mais il est rare qu’il les porte à des excès coupables pour s’en procurer. De (1) Nommé borgho en Égypte. (2) Il faut en excepter les Aimes et les Ghaou-Azis, danseuses publiques. .0 ) Les femmes des Gidanes, peuplade nomade qui habitait la partie occidentale de la grande Syrte, se faisaient lionneur de porter autour de la cheville du pied autant de bandes de peau quelles avaient fait de conquêtes. (Hérod. 1. IY , 176.) (4) J ai déjà dit que, dans ce coup d’oeil sur les moeurs des habitants de la Marmarique, je ne comprenais point les Harâbi.


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