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sont tumultueuses, bruyantes, le plus souvent tous parlent ou crient à-la- fois; mais dès que le cheik, qui ordinairement est un vieillard, demande la parole, le tumulte s’apaise et le calme renaît. Ces Arabes sont d’une taille médiocre, mais bien proportionnée; leur figure basanée, maigre, est généralement régulière : l’oeil noir et vif, le nez assez grand et jamais aquilin, le front large et souvent avancé, forment un caractère constant qui atteste leur antique origine, indique leur éloignement pour les mésalliances, et les distingue parfaitement des Arabes mogra- bins. Leur barbe peu fournie, courte et dégarnie latéralement, se termine en pointe au menton ; elle blanchit de bonne heure, ce qui occasionne la surprise qu’éprouve un Européen en voyant l’emblème de la caducité contraster avec des yeux pleins de feu, et avec toutes les apparences- de la force et de l’agilité. Le reste du corps est également peu velu; faut-il en attribuer la cause aux fatigues et aux privations? J’ai remarqué que ceux des Bédouins qui ont quitté le désert pour habiter la vallée du Nil, ont généralement avec plus d’embonpoint la barbe plus touffue. Ceux-ci sont méprisés par leurs anciens confrères, qui les nomment ironiquement Arab-el-Hét, Bédouins casaniers; et quelque soin qu’ils mettent à ne point se mésallier avec les autres agriculteurs, leur figure gagne en air de prospérité, mais elle perd insensiblement son caractère originel. Non seulement les habitudes de la vie influent sur le moral de l'homme, mais elles parviennent à .donner aux traits du visage, et même au maintien habituel du corps, un caractère qui leur est relatif. Que l’on déguise un Bédouin sous la chemise bleue desFellahs{\), qu’il soit ainsi confondu parmi ces derniers, la fierté de ses regards, sa démarche, ses gestes, le feront bientôt reconnaître. Cette fierté est le type distinctif des Arabes du désert; elle est imprimée sur leurs traits, et leur donne une énergie qui paraît susceptible d’inspirer les plus fermes résolutions. La physionomie de ces Arabes donne lieu à une autre observation qui peut acquérir quelque intérêt aux yeux du philosophe. Leur figure, ordinairement sévère, sans être triste, n’offre jamais cet air d’étourderie et de ( ï ) Agriculteurs égyptiens. gaîté légère que l’on remarque souvent chez d’autres nations, et quelque- - fois même en des personnes d’un âge très-avancé. Mais s i , par une suite de malheurs, il en est parmi ces Arabes qui tombent dans l’indigence, les traits de leur visage, loin d’être flétris par la honte et le découragement, lien offrent pas moins la même noblesse; et ces hommes, quoique couverts de haillons, conservent l’assurance du bien-être et la dignité de l’indépendance. Ce phénomène moral ne peut provenir uniquement de la pieuse résignation que le Coran inspire à ses sectateurs, puisque nulle part l’indigence n ’est plus hideuse, nulle part elle ne dégrade plus la figure humaine que dans les villes de l’Orient, où le contraste qu’elle présente avec le luxe est encore augmenté par la terreur que répand le despotisme. La stoïque tranquillité de l’Arabe du désert dans l’infortune a sa principale source en ce q u e , dans tout ce qui l’entoure, rien ne peut le porter a faire un retour humiliant sur lui-même. E11 outre, ayant peu de besoins, il a peu de désirs; ce qu’il a perdu, il espère l’acquérir de nouveau; et tandis qu’il attend sans inquiétude un sort plus favorable, il trouve dans la fraternité qui règne dans sa tribu et dans les inyiolables lois de 1 hospitalité, un asile assuré pour les premiers besoins de la vie. Cette existence facile et ces désirs bornés sont la cause, il est vrai, du peu d activité et même de l’insouciancè que l’on remarque en général chez ces Arabes. Je n examinerai point si les brillants avantages produits par l’égoïsme des peuples policés rendraient ees homm'es plus heureux ; ce sujet m’entraînerait trop lo in , et je continue mon récit. Le costume des Aoulâd-Aly est le même que celui des autres Arabes du desert libyque. Un bonnet de drap rouge (tarbouch) ou de feutre blanc ( takieh) couvre leur tête; les cheiks ornent quelquefois ce bonnet d un schall, mais ils affectent de le coiffer différemment des Osmanlis. Les plus aisés chaussent des boulghas, souliers jaunes que l’on fabrique dans les villes de la Barbarie. Un ample caleçon de toile nommé lebas, noué à la ceinture, leur descend jusqu'aux jarrets; ils revêtent ordinairement par-dessus une chemise bien plus ample encore, mais ils en sont quelquefois dépourvus, et le ¿Arara la remplace. Cette dernière partie du costume bédouin en est aussi la plus indispensable comme la plus distinctive. C’est tout simplement une pièce


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